Tariq Ramadan : la tenue en France d’un procès pour viols bientôt définitivement actée ?

La Cour de cassation pourrait prochainement renvoyer définitivement l’islamologue suisse Tariq Ramadan devant la cour criminelle départementale de Paris pour viols sur trois femmes, si elle écarte comme demandé par l’avocat général des pourvois après examen mercredi.

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L'islamologue suisse Tariq Ramadan arrive le deuxième jour de son procès pour viol au Palais de justice de Genève le 16 mai 2023. Crédit: Fabrice Coffrini / AFP

Le 27 juin, la Cour d’appel de Paris avait ordonné un procès pour Ramadan pour un viol aggravé sur une femme et deux viols sur deux autres, écartant le cas d’une quatrième, Mounia Rabbouj.

L’islamologue et cette dernière ont formé des pourvois antagonistes, le premier demandant un non-lieu général, la seconde l’ajout de ses accusations aux trois autres.

Pour l’audience de mercredi, le conseiller rapporteur comme l’avocat général ont proposé selon des éléments dont l’AFP a eu connaissance lundi la non-admission de ces pourvois, une procédure qui permet, si leur avis est suivi, d’écarter le jour-même ou dans un court délai les recours non sérieux ou irrecevables.

Ils estiment en effet que ces requêtes tendent à remettre en cause l’appréciation de fond de la chambre de l’instruction, alors que le rôle de la Cour de cassation se borne à vérifier l’absence d’erreur de droit.

Le 7 juillet 2023, après six ans d’enquête, deux juges d’instruction avaient ordonné le renvoi de Ramadan pour des viols sur “Christelle”, Henda Ayari, Mounia Rabbouj et une quatrième femme.

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Dans son arrêt du 27 juin dont l’AFP a eu connaissance, la cour d’appel a pris le contrepied des magistrates instructrices et de l’enquête, qui s’était focalisée sur l’emprise.

Cette notion débattue, “au sens d’un stratagème aboutissant à la privation nécessairement totale du libre arbitre, ne paraît pouvoir être retenue à aucun stade de la relation” entre Ramadan et les parties civiles “puisque même après les faits, les femmes ont rapidement entrepris un combat pour se venger et pour éviter qu’il y ait d’autres victimes”, ont indiqué les juges d’appel.

Pour ces magistrats, c’est au contraire “la violence qui est principalement mise en avant dans les différents récits” des victimes.

Si les juges estiment n’avoir pas obtenu de preuves matérielles des violences dénoncées par les parties civiles, ils actent la “violence” de Ramadan dans les rapports sexuels, qui “dépassait ce qu’une femme pouvait raisonnablement accepter” et dépassait aussi ce qui avait pu être convenu entre Tariq Ramadan et ces femmes lors des échanges ayant amené aux relations, entre 2009 et 2016.

Henda Ayari attend sereinement la décision de la Cour de cassation et donne rendez-vous à Tariq Ramadan” devant la cour criminelle, a indiqué à l’AFP son avocat Me David-Olivier Kaminski.

Les juges d’appel ont écarté le cas de Mounia Rabbouj, qui avait dénoncé neuf viols commis entre 2013 et 2014. Celle “qui a multiplié les photos et vidéos de son corps intégralement nu n’a conservé aucune image des blessures qu’elle aurait subies”, a cinglé la chambre de l’instruction.

Pour cette dernière, si l’ex-escort girl “a pu être subjuguée par Ramadan et son aura internationale, (son) comportement ne peut être considéré comme celui d’une femme privée de son libre arbitre”. Elle “ne manifestait aucune réticence et continuait délibérément à entretenir les fantasmes de Ramadan”.

Dans cette procédure très médiatisée et emblématique de l’ère #MeToo, les plaignantes ont décrit des relations sexuelles particulièrement brutales.

La main qui tient et force la tête, le bras qui empêche de bouger ou de se retourner, le poids du corps, le regard de fou, les paroles de domination et de soumission, les ordres, les gestes, cette attitude pour imposer les pénétrations”, décrivait l’ordonnance initiale de renvoi en procès.

C’est justement le récit de Mounia Rabbouj, qui avait présenté une robe tachée du sperme de l’islamologue, qui avait contraint l’intellectuel à admettre mi-2018 qu’il avait eu des relations adultères avec elle et d’anciennes maîtresses, “de domination”, rudes, mais “consenties”, un tournant majeur dans ce dossier.

Après la première plainte fin 2017, Ramadan avait en effet d’abord contesté tout acte sexuel avec ses accusatrices.

En Suisse, le prédicateur a été condamné fin août à trois ans de prison dont un ferme, pour viol et contrainte sexuelle en 2008. Ses avocats ont saisi le Tribunal fédéral suisse, cour suprême de la Confédération.