La France a clairement de nouveau le vent en poupe”, se félicite un responsable d’entreprise française présente sur place, sous couvert d’anonymat, affirmant l’avoir constaté lors d’appels d’offres récents remportés au Maroc par des entreprises françaises.
La cause de ce retour en grâce ? En juillet, le président français Emmanuel Macron a apporté son appui au plan d’autonomie marocain pour le Sahara dans une lettre au roi Mohammed VI.
Avant Paris, Washington, Berlin et Madrid s’étaient eux aussi ralliés au plan d’autonomie sous souveraineté marocaine, proposé en 2007 par Rabat.
Au surlendemain de la publication officielle de la lettre d’Emmanuel Macron, la société d’ingénierie française Egis, alliée à son homologue Systra et l’entreprise marocaine Novec, s’est vu attribuer un contrat prévoyant l’extension de la ligne de train à grande vitesse entre Kénitra et Marrakech.
Une annonce qui a surpris à l’époque certains des acteurs économiques sur place, joints par l’AFP, qui y voient un lien avec la nouvelle position française sur le Sahara. Sollicité, Egis n’a pas donné suite aux demandes de l’AFP.
“Il y aura sûrement un développement et une accélération de la coopération économique entre les pays, notamment au Sahara marocain”, juge en tout cas le président du groupe d’amitié Maroc-France à la Chambre des conseillers, Mohamed Zidouh, interrogé par l’AFP.
D’autant plus que le Sahara, avec ses énormes ressources solaires et éoliennes, est stratégique pour le développement économique du royaume, qui s’est résolument tourné vers les énergies renouvelables, et espère se positionner sur le marché de l’hydrogène vert.
Des entreprises occidentales, dont françaises, y sont d’ailleurs déjà présentes. Le groupe énergétique Engie par exemple construit actuellement en consortium avec le marocain Nareva une station de dessalement d’eau de mer à Dakhla, ainsi qu’un parc éolien. Toujours côté français, le groupe spécialisé dans la construction et les infrastructures Sade-CGTH a remporté un appel d’offres pour un projet de raccordement du réseau d’eau à Dakhla.
Le rapprochement entre Paris et Rabat est accueilli avec un certain soulagement par les entreprises françaises au Maroc. “On faisait profil bas depuis deux ans”, atteste Etienne Giros, président du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian). “Ce n’était pas dans notre intérêt de mettre en avant notre nationalité”, ajoute-t-il.
De gros acteurs économiques marocains “recommencent à frapper à notre porte” pour des partenariats dans le pays, témoigne aussi un entrepreneur français, qui veut rester anonyme. Alors que ces dernières années, “on commençait à entendre dire ici qu’il y avait trop de projets avec des Français. On a senti une tension palpable”.
“En termes de commande publique, sur cette période-là, cela a été peut-être un peu plus compliqué”, constate Jean-Charles Damblin, directeur général de la chambre française de commerce et d’industrie du Maroc. Dans l’ensemble toutefois, “on n’a pas vu un ralentissement marqué” des relations économiques en raison des tensions diplomatiques des dernières années, dit-il.
Le directeur en veut pour preuve les relations très étroites entre la France et le Maroc, qui n’ont pas faibli : les échanges commerciaux ont atteint un record de 14 milliards d’euros l’an dernier. La guerre en Ukraine a provoqué notamment une forte augmentation des importations de produits agricoles français.
Et la France est le premier investisseur étranger au Maroc avec la quasi-totalité des entreprises de l’indice boursier CAC 40 représentées dans le royaume, et 1000 filiales françaises, notamment des usines de construction et d’assemblage (automobile, aéronautique).
Le Maroc est, lui, le premier investisseur africain en France, avec des investissements directs passés de 372 millions d’euros en 2015 à 1,8 milliard en 2022.
Le réchauffement diplomatique, après un bras de fer imposé par le Maroc à la France qui souhaitait jusque-là garder une position équilibrée sur la question du Sahara vis-à-vis de l’Algérie, avait été amorcé par plusieurs visites ministérielles ces derniers mois, prélude à une visite d’État d’Emmanuel Macron “fin octobre”, constamment repoussée depuis plusieurs années, mais finalement annoncée vendredi.
En avril, le gouvernement français avait même indiqué être prêt à contribuer au financement d’une ligne à haute tension entre Casablanca et Dakhla, via la filiale de l’Agence française de développement, Proparco.
La française EDF s’est positionnée sur ce projet de liaison électrique, une “autoroute électrique Sud-Nord” établie sur 1400 kilomètres.
Malgré les retombées économiques qu’elle induit, la décision de l’Élysée n’a pas été motivée par l’économie, assure auprès de l’AFP une source proche du dossier. “Qu’elle puisse avoir des effets économiques, c’est certain. Mais c’était d’abord une position politique.”
(avec AFP)