Brutale agression de Bédouines par des colons en Cisjordanie occupée

Lamiss Al-Jaar a cru sa dernière heure arrivée et n’en dort toujours pas. La jeune Bédouine israélienne reste hantée par la violence de colons juifs dont elle et sa famille ont été victimes, et qui suscite indignation et marques de solidarité en Israël.

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Des colonies israéliennes en Cisjordanie. Crédit: AFP

Ce vendredi 9 août, elle était partie en voiture de Rahat, ville du Néguev, le désert du sud d’Israël, avec sa fille de deux ans et demi, deux de ses sœurs et une nièce pour Naplouse, grande ville palestinienne du nord de la Cisjordanie occupée.

Nous nous sommes perdues”, raconte à l’AFP sa sœur Raghda Al-Jaar, 29 ans. Selon son témoignage, un homme à qui elles demandent leur chemin les met sur une fausse piste avant de leur barrer la route avec sa voiture quand elles veulent faire demi-tour.

Elles subissent alors, selon la police israélienne, une “grave attaque” — “jets de pierres”, “menaces avec des armes” et “incendie” de leur voiture — après être “entrées accidentellement” à “Givat Ronen”. Lamiss Al-Jaar dit qu’un homme a menacé directement sa fillette Elaf avec son arme.

“Vous ne sortirez pas d’ici vivantes !”

Givat Ronen, avant-poste de la colonie juive de Har Bracha, au sud de Naplouse, est tenu par des membres des “jeunes des collines”, comme ils s’appellent, mouvance radicale du sionisme religieux rêvant de faire de la Cisjordanie une terre juive en invoquant les temps de l’Israël biblique.

Une dizaine de colons armés ont cassé toutes les vitres de la voiture” et “nous ont aspergé de gaz” lacrymogène, poursuit Raghda Al-Jaar dans la maison paternelle à Rahat.

J’ai dit […] que nous étions citoyennes israéliennes” et quand un des agresseurs “a compris que je parlais à la police au téléphone, il m’a jeté une grosse pierre sur le pied”, relate-t-elle. “Vous ne sortirez pas d’ici vivantes !” les menace-t-il.

Jambe gauche plâtrée sous son abaya noire, Mme Al-Jaar, qui dit également avoir été blessée à la tête, se déplace à l’aide d’un déambulateur. Sa sœur Lamiss, assistante maternelle de 22 ans, montre elle ses doigts fracturés et parle de son dos “cassé”. Avec leur nièce Hind Al-Jaar, infirmière de 22 ans, elles racontent s’être enfuies à toutes jambes avant d’être finalement secourues par des policiers et soldats israéliens.

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Le président israélien Isaac Herzog a appelé leur père, Adnane Al-Jaar, pour lui dire “avoir été choqué” par cette violence et l’assurer que “tous les citoyens d’Israël ont droit à un traitement égalitaire et décent”, selon son bureau.

Descendants de bergers musulmans qui parcouraient autrefois librement les étendues désertiques bien au-delà des frontières actuelles de l’État hébreu, les Bédouins d’Israël se plaignent, comme d’autres minorités arabes du pays, de discriminations, alors que nombre d’entre eux sont dans les rangs de l’armée ou la police.

Se disant réconforté par l’appel de M. Herzog, M. Al-Jaar, qui, comme ses filles, alterne entre l’hébreu et l’arabe, indique que des bus entiers d’Israéliens juifs ou arabes viennent témoigner de leur soutien. “Cela nous fait du bien.

Croisé dans la maison familiale, le député d’opposition Matan Kahana (centre) s’affirme lui “rassuré que la majorité du peuple israélien condamne cet acte”.

La police a annoncé l’arrestation de cinq suspects, dont quatre sont toujours détenus et le cinquième assigné à résidence. M. Al-Jaar, chauffeur routier de 59 ans, craint néanmoins que l’affaire finisse classée sans suite, comme tant d’autres.

Jugée illégale au regard du droit international par l’ONU, la colonisation israélienne en Cisjordanie s’est poursuivie sous tous les gouvernements, de gauche comme de droite, après la conquête de ce territoire palestinien par Israël en 1967.

Elle s’est nettement intensifiée, tout comme les violences dans cette région, depuis la formation en décembre 2022 du gouvernement du Premier ministre, Benjamin Netanyahu (droite), où siègent plusieurs ministres d’extrême droite partisans de l’annexion pure et simple de toute la Cisjordanie, et encore plus avec la guerre en cours entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre.

Le rabbin Benny Lau, figure d’un judaïsme orthodoxe soucieux d’ouverture, a rendu compte sur Facebook d’une rencontre avec M. Al-Jaar, soulignant les aspirations “des millions” d’Israéliens souhaitant “vivre ensemble”.

Vedette de la télévision connue pour ses positions droitières, le journaliste Amit Segal, a lui accusé de collusion avec “les partisans du terrorisme” une parlementaire d’extrême droite qui avait cherché à rejeter la faute sur les victimes.

À Rahat, Noa Epstein Tennenhaus, entrepreneuse de 41 ans habitant Kfar Saba, plus au nord, est venue témoigner de son empathie en apportant avec son mari et leurs quatre jeunes enfants un cadeau pour Elaf. “J’ai pleuré” en apprenant ce drame, dit-elle à l’AFP. “Je me suis imaginée à la place de Lamiss […] attaquée par ces monstres”. “La haine aveugle finira par nous tuer tous si nous ne lui tenons pas tête.