Guerre du Kivu : un rapport de l’ONU met en lumière les responsabilités de la RDC et de l’Ouganda

Depuis 2004, la guerre du Kivu voit s’affronter, dans l’Est de la République démocratique du Congo, de nombreux groupes armés. Un rapport de l’ONU, sorti le 8 juillet, met en perspective les responsabilités de chacun dans le cadre de ce conflit qui a fait des millions de morts. Dans le même temps, les autorités politiques renforcent le chaos, à l’image du président congolais Tshisekedi qui explique que les enfants soldats répondent à “un cas de force majeure”.

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Le centre de la ville de Kitshanga détruit après 5 jours de combat entre l'APCLS et les FARDC, le 7 mars 2013. Crédit: MONUSCO / Sylvain Liechti / CC BY-SA 2.0

Située le long de la frontière entre l’Ouganda et le Rwanda, la région du Nord Kivu est ravagée par des décennies de conflit. Dans ce contexte d’instabilité endémique, un groupe d’experts spécialistes de la République démocratique du Congo (RDC) a rédigé un rapport, au printemps 2024, sur la situation catastrophique que vivent les populations sur ce territoire.

S’appuyant sur des sources de terrain, le comité de rédaction souhaite mettre en lumière le rôle des acteurs régionaux dans cette guerre qui, selon les experts, a entraîné le déplacement d’un million de personnes depuis mi-octobre.

Un système d’alliance complexe

Créé en 2012, le Mouvement du 23 mars (M23) rassemble d’anciens rebelles du Conseil national pour la défense du peuple (CNDP) qui avaient été intégrés dans l’armée congolaise conformément à un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa. En 2012, le M23 reprend les armes avant de les déposer l’année suivante. En 2021, ces soldats qui se sont mutinés contre le gouvernement congolais se soulèvent à nouveau et accentuent en 2022 leur conquête avec la prise de la ville de Bunagana, frontalière de l’Ouganda. Alliés avec d’autres milices et groupes parfois étrangers, ils sont accusés de violences contre la population civile par l’ONU, qui dénonce aussi l’appui informel que leur apporte le Rwanda.

Pour faire face aux menaces du Mouvement du 23 mars (M23) qui progresse, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) collaborent avec des groupes armés locaux. Parmi eux, les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une milice créée par d’anciens génocidaires hutus, qui souhaitent renverser le président rwandais Paul Kagamé. Cette alliance exacerbe les violences commises contre les civils (extorsions, viols et assassinats). Cette coalition appelée “Wazalendos” lutte ainsi aux côtés de l’armée congolaise contre le M23.

Autrefois opposés aux FARDC, ces groupes armés ont parfois à leur tête des chefs accusés de crimes de guerre. Le recours à des enfants soldats atteint des niveaux alarmants de part et d’autre, sans que des mesures ne soient véritablement prises pour lutter contre ce fléau. “Plus de 1000 recrues ont été formées entre 2023 et 2024, dont au moins 20% étaient des mineurs”, pointe le rapport mettant en cause le président congolais Tshisekedi qui justifie leur utilisation comme “un cas de force majeure”.

Une instabilité régionale qui perdure

Pays limitrophe, l’Ouganda est également un acteur du conflit en RDC. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF), groupe armé ougandais formé par des mouvements d’opposition au président du pays, Yoweri Museven, ont ainsi intensifié depuis mi-octobre leurs opérations dans le nord de la RDC, causant de nombreux ravages. Selon les experts, il est le groupe armé qui a commis “le plus grand nombre de tueries en RDC en 2023, avec plus de 1000 personnes tuées, principalement des civils”.

Le groupe a prêté allégeance à l’État islamique en 2017 et collabore avec d’autres groupes armés congolais pour des opérations militaires conjointes ou pour contrôler des territoires. Il se retrouve impliqué dans diverses activités criminelles. Les ADF sont ainsi très actifs et bénéficient d’un réseau conséquent dans certaines prisons congolaises, notamment à Kinshasa. Malgré des opérations militaires de l’armée ougandaise, les ADF continuent de lancer des attaques le long de la frontière entre la RDC et l’Ouganda qui ne semble pas empêcher véritablement la présence ou le passage de ces groupes armés.

L’exploitation des ressources naturelles par l’ensemble de ces milices contribue également à la déstabilisation économique et sociale de la région. Le rapport met en cause des fonctionnaires et des militaires congolais accusés de complicité et de corruption dans des activités illégales d’exploitation des ressources soutenant des groupes armés. La taxation illégale au travers de barrages routiers est monnaie courante, comme l’exploitation minière illégale (or, bois).

Face à cet embrasement qui perdure, les experts de l’ONU demandent au gouvernement de la RDC de mener des enquêtes sur l’utilisation d’armes explosives et de s’abstenir de les utiliser dans les zones peuplées. Ils recommandent également de cesser toute collaboration avec les groupes armés, en particulier les FDLR-FOCA, d’enquêter et de poursuivre les personnes responsables de violations et d’activités minières illégales, mais aussi les responsables qui recrutent, forment et utilisent des enfants soldats. Ils réclament également le démantèlement des réseaux ADF au sein de ces prisons et la poursuite de toute autorité favorisant les activités illégales des détenus proches de ces groupes armés.