Au lendemain de cette annonce, le roi Mohammed VI a invité Emmanuel Macron à une visite officielle, exprimant explicitement sa satisfaction face à cette décision tant attendue. Si cette évolution n’a pas surpris quelques spécialistes, d’autres estiment qu’elle n’a rien d’anodin.
Pour Xavier Driencourt, diplomate et ancien ambassadeur de France en Algérie, ce changement n’était pas totalement inattendu. “Cela fait déjà plusieurs mois qu’il y avait une évolution assez sensible. Pendant longtemps, Paris a maintenu un équilibre entre Alger et Rabat sur cette question du Sahara en faisant état de la position de l’ONU. Mais, on était dans une relation extrêmement compliquée avec le Maroc, et donc, je comprends que pour se réconcilier avec le Maroc, le président de la République a décidé de faire un pas en avant extrêmement important sur la question de la marocanité du Sahara occidental”, explique-t-il dans une interview accordée au média français Le Point.
Driencourt rappelle que cette évolution avait commencé en février avec la visite de Stéphane Séjourné, chef de la diplomatie française, qui avait reconnu l’importance existentielle du dossier saharien pour le Maroc. “Certains investissements français ont été, dès lors, autorisés au Sahara. Cela dit, ce sont des termes extrêmement précis et très forts qui ont été utilisés dans la lettre du président français, surtout quand il dit que c’est ‘la seule base’ possible pour la résolution du dossier du Sahara”, ajoute-t-il.
Quant aux dynamiques diplomatiques entre le Maroc et la France, Driencourt estime que Paris a pesé les avantages et les inconvénients avant de prendre cette décision. “On a décidé que les avantages étaient plus importants du côté marocain que les inconvénients d’une brouille ou d’une rupture avec Alger. Je rappelle que ces dernières années, depuis 2017, le président Macron avait fait beaucoup de gestes du côté algérien, et d’ailleurs, le Maroc reprochait un peu ces gestes au président de la République. On a fait beaucoup de gestes du côté français et l’Algérie n’a jamais répondu de manière positive. Le président a considéré, tout compte fait, qu’il valait mieux percer l’abcès en quelque sorte et faire le geste attendu par Rabat”, précise l’ancien ambassadeur, pour qui cette reconnaissance est loin de s’arrêter au volet diplomatique.
En effet, sur le plan économique, cette reconnaissance pourrait ouvrir de nombreuses opportunités pour les entreprises françaises au Maroc, en particulier dans la région du Sahara, affirme-t-il, avant de prévoir : “Je pense qu’il va y avoir beaucoup plus d’opportunités qui vont s’ouvrir aux entreprises françaises qui voudront venir investir au Maroc, parce que jusqu’à présent tout était un peu suspendu à la question du Sahara. Dans le cadre, par exemple, de la préparation pour la Coupe du monde 2030, il y aura sans doute beaucoup d’opportunités franco-marocaines.”
En termes d’influence, ce soutien renforcé à Rabat pourrait également bénéficier à Paris sur le continent africain. “L’Algérie et le Maroc sont tous les deux en concurrence sur le continent africain. Maintenant, les choses se jouent à l’UA et à l’ONU. On va voir comment tout cela s’équilibre. Il convient de rappeler ici que le nouvel agenda du Maroc pour la façade atlantique du continent risque bien de changer les rapports de force sur le continent. C’est possible que Paris puisse jouer un rôle dans cette optique”, observe-t-il.
Selon Driencourt, l’Union européenne pourrait également jouer un rôle crucial dans ce contexte de soutien accru de la France au Maroc. Pour l’ancien ambassadeur, “le fait que la France fasse cette avancée diplomatique importante va avoir un effet d’entraînement sur d’autres pays européens. Je pense qu’il y a un certain nombre de pays européens qui vont se dire que puisque Paris — qui est un partenaire important, qui connaît bien les deux pays du Maghreb, et qui est l’ancienne puissance coloniale en Algérie — fait ce pas, c’est bon, ils peuvent également y aller”.
L’ancien ambassadeur explique également que la crainte du voisin de l’est réside dans le fait “que d’autres pays européens après l’Espagne et la France, et que l’Union européenne en tant que telle, soutiennent la position marocaine et que l’Algérie se retrouve isolée”.