Cette réforme, proposée par le Ministère de la Justice, a déclenché une série de réactions virulentes de la part des avocats à travers le pays, qui y voient une menace directe pour leurs droits et pour l’indépendance judiciaire.
À l’origine de cette crise, un projet de loi approuvé en commission et adopté, aujourd’hui, avec le soutien de 21 membres des groupes de la majorité et le rejet de 8 membres de l’opposition. Selon l’Association des barreaux des avocats du Maroc et l’Association des jeunes avocats de Casablanca, ce projet de réforme introduit des modifications jugées “inconstitutionnelles et néfastes pour la profession d’avocat”.
Lors d’une session publique consacrée à l’étude et au vote du projet de loi n°02.23 relatif à la procédure civile, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a annoncé que le gouvernement avait accepté 321 amendements, représentant 27% des propositions soumises par les groupes parlementaires de la majorité et de l’opposition à la Chambre des représentants.
Le ministre a précisé que plus de 1160 amendements avaient été proposés par les différents groupes. Les groupes de l’opposition ont soumis 794 amendements, avec 593 provenant du groupe socialiste, 114 du groupe haraki, 87 du groupe du progrès et du socialisme, et 90 de la justice et du développement. Du côté de la majorité, 238 amendements ont été présentés, tandis que les députés non affiliés ont proposé 39 amendements.
L’Association des jeunes avocats de Casablanca a récemment publié un communiqué dénonçant fermement le projet de loi proposé par le Ministère de la Justice. Selon l’AJAC, le projet de loi proposé impose des mesures strictes de contrôle et de supervision, limitant ainsi la liberté d’exercice des avocats, soulignant par la même occasion que ces changements pourraient mener à une centralisation excessive des décisions, mettant en péril l’indépendance judiciaire et la qualité de la défense des citoyens.
“Il faut savoir que ce projet de loi comporte des dispositions qui sont antinomiques avec la Constitution marocaine”, nous explique Zakaria Mrini, président de l’Association. “Nous devons avoir une justice équitable, pour tous. Or, il y a un grave problème d’accès à la justice dans ce projet de code. Le législateur ne devrait normalement pas faire de différence entre une personne et une institution, et encore moins entre une personne qui a les moyens et une autre qui n’en a pas. Ce projet de code, cependant, distingue clairement entre différents types de justiciables.”
Pour Mrini, cette réforme aura indubitablement un “impact sur les conditions de travail des avocats et sur le fonctionnement des cabinets d’avocats”, mais aussi sur leur capacité à “soutenir nos clients”.
“Comment un code peut prévoir, par exemple, qu’un avocat ne soit pas admis à assister une expertise judiciaire ordonnée par le tribunal ? Ou à une audience d’enquête ? Cela est très grave, car il m’est arrivé de sauver des clients qui ne comprennent simplement pas ce que veut dire une expertise judiciaire. Si, aujourd’hui, on limite les expertises à la présence des parties et de l’expert, nous allons voir des choses hallucinantes dans les tribunaux”, étaye-t-il.
Dans une récente interview, donnée à Anfas Press, Abdelkabir Tbih, avocat au barreau de Casablanca a exprimé de vives critiques à l’encontre du projet de réforme du code de procédure civile au Maroc, réforme qui, selon lui met l’accent sur l’efficacité et la rapidité des procédures judiciaires, au détriment de la justice et de l’équité.
“Cette réforme risque de marginaliser les citoyens moins fortunés, les privant de leurs droits fondamentaux à une justice équitable. Elle reflète une approche néolibérale qui ne tient pas compte des besoins de justice sociale et d’équité pour tous les citoyens”, affirme-t-il.
De son côté, Ouahbi a insisté sur l’approche participative adoptée lors de l’élaboration de ce projet, en alignant ses dispositions sur la Constitution et les principes des droits de l’homme. Il a décrit la loi de procédure civile comme une garantie essentielle pour la protection des droits et des libertés, visant à adapter le fonctionnement des tribunaux aux besoins et attentes des citoyens.