Les pèlerins clandestins affluent à La Mecque pour le hajj

Mohammed, un Égyptien de 70 ans, se terre depuis des semaines dans un appartement à La Mecque, en Arabie saoudite, en espérant passer sous le radar des autorités et accomplir le hajj illégalement.

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La Mecque
Marche autour de la Kaaba à La Mecque, le 27 novembre 2020. Crédit: AFP

Ce fonctionnaire à la retraite fait partie des dizaines de milliers de musulmans qui tentent de participer au pèlerinage annuel dans la ville sainte sans autorisation, selon les autorités et les agences de voyages. Les pèlerins clandestins savent qu’ils peuvent être arrêtés et expulsés du pays s’ils sont repérés, un risque qu’ils sont cependant prêts à prendre pour réaliser leur rêve.

Cela fait plus de dix ans que je cherche à obtenir le permis du hajj en Égypte, mais je n’ai pas eu de chance”, raconte Mohammed à l’AFP, en référence aux autorisations accordées par le Royaume aux différents pays sur la base de quotas, puis attribuées en Égypte par tirage au sort.

Même s’il avait obtenu le précieux sésame, le voyage lui aurait coûté au moins 175.000 livres égyptiennes (environ 37.000 dirhams), une somme au-dessus de ses moyens. Mohammed a donc opté pour un visa touristique pour l’Arabie saoudite, et payé 3500 riyals saoudiens (environ 9000 dirhams) à un agent de voyage pour être logé près du mont Arafat, où le prophète Mahomet aurait prononcé son dernier prêche.

Se nourrissant uniquement de boîtes de conserve ramenées d’Égypte, Mohammed passe ses journées enfermé dans l’appartement, avec sept autres personnes, en se préparant aux rituels religieux qui débutent le 14 juin. “Je suis préparé à toutes les difficultés. Il fait chaud. Je vais boire beaucoup d’eau”, dit-il. “Je vais accomplir le hajj, c’est le plus important.”

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L’année dernière, la ville sainte a accueilli plus de 1,8 million de fidèles pour le hajj, selon les autorités. À ce nombre, s’ajoutaient “environ 100.000 pèlerins en situation irrégulière”, indique un responsable de la sécurité sous couvert d’anonymat, le gouvernement ne communiquant pas sur l’ampleur du phénomène. “Les fouiller tous ? Impossible”, affirme de son côté un agent de voyage, qui dit acheminer au mont Arafat une centaine de bus durant le hajj.

La gestion des foules lors de ce grand rassemblement s’est révélée périlleuse dans le passé, notamment en 2015, lorsqu’une bousculade a fait environ 2300 morts.

“Pas de hajj sans permis”

Selon un responsable du ministère saoudien du Hajj et de la Omra, c’est la crainte d’une nouvelle catastrophe qui a poussé les autorités saoudiennes à prendre des mesures sévères à l’encontre des pèlerins clandestins. “L’espace à La Mecque est très limité. La présence illégale d’un grand nombre de personnes gêne la gestion des foules (…) et peut provoquer des bousculades”, affirme ce responsable, qui a requis l’anonymat.

Outre l’expulsion, les pèlerins contrevenants et ceux qui les transportent encourent une amende de 10.000 riyals saoudiens (2666 dollars). Au moins 20 personnes ont été arrêtées ces dernières semaines pour des “fraudes” liées au hajj, la plupart Égyptiens, selon les médias d’État.

Les autorités ont également lancé une campagne sous le slogan “pas de hajj sans permis”, tandis que le Conseil des oulémas, la plus haute autorité religieuse du pays, a qualifié les pèlerins clandestins de “pêcheurs”. Mais ces mesures n’ont pas permis d’éradiquer le phénomène, d’autant que le visa touristique introduit en 2019 a largement facilité l’accès au Royaume.

Cette année, le pèlerinage devrait se dérouler dans des conditions éprouvantes, sous des températures dépassant les 45 degrés Celsius. Sans accès aux tentes climatisées des campements officiels, les pèlerins clandestins sont particulièrement exposés aux coups de chaleur, certains d’entre eux dormant au bord de la route.

C’était très difficile. Pas de services, pas de lits, pas d’air conditionné, pas de salles de bains”, se souvient Ayman, un Égyptien de 37 ans ayant effectué le hajj sans permis l’année dernière. “Et il fallait se concentrer sur les moyens d’échapper aux forces de sécurité au lieu de se concentrer sur les prières.