Yossi Cohen, l’ancien chef du Mossad, aurait menacé la procureure de la CPI

Selon des révélations du Guardian, Yossi Cohen, ancien chef du Mossad, aurait menacé Fatou Bensouda, alors procureure de la Cour pénale internationale (CPI), dans une tentative de la dissuader d’enquêter sur les crimes de guerre présumés dans les territoires palestiniens occupés. Ces rencontres secrètes se sont déroulées sur plusieurs années, avant que Bensouda ne décide d'ouvrir une enquête officielle en 2021.

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Yossi Cohen. Crédit: Amir Cohen / Reuters

L’enquête de la CPI, lancée en 2021, a atteint un point culminant la semaine dernière lorsque le successeur de Bensouda, Karim Khan, a annoncé la demande d’un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant (ainsi que contre trois dirigeants du Hamas) pour les actions de leur pays lors de “l’offensive” sur Gaza. Cette décision a été redoutée de longue date par les autorités militaires et politiques israéliennes.

Cohen, nommé directeur du Mossad par Netanyahu en 2016 après avoir été son conseiller à la sécurité nationale, aurait eu plusieurs interactions avec Bensouda visant à la compromettre ou à obtenir sa coopération. Lors de ces rencontres, Cohen aurait utilisé des menaces voilées concernant la sécurité de Bensouda et celle de sa famille. Il aurait notamment déclaré, selon The Guardian : “Vous devriez nous aider et nous laisser nous occuper de vous. Vous ne voulez pas vous engager dans des choses qui pourraient compromettre votre sécurité ou celle de votre famille.”

Les premiers contacts entre Cohen et Bensouda remontent à la conférence sur la sécurité de Munich en 2017, où Cohen s’est présenté brièvement à la procureure. Plus tard, en 2018, Cohen l’a “surprise” lors d’une rencontre dans une suite d’hôtel à Manhattan, épisode orchestré avec l’aide de Joseph Kabila, alors président de la République démocratique du Congo. Cette rencontre inattendue a suscité une grande inquiétude chez Bensouda et les responsables de la CPI qui l’accompagnaient.

La procureure de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, le 8 juillet 2019.Crédit: EVA PLEVIER / ANP / AFP

Fatou Bensouda a informé un petit groupe de responsables de la CPI des pressions exercées par Cohen. Trois sources ont confirmé que Bensouda avait dévoilé ces tentatives de coercition, signalant notamment que Cohen lui avait montré des photos de son mari, prises clandestinement à Londres, et avait tenté d’utiliser ces informations pour la dissuader de poursuivre l’enquête.

Entre 2019 et 2020, la campagne de pression a été intensifiée avec la collaboration de l’administration Trump, qui a imposé des sanctions à Bensouda et à d’autres membres de la CPI en raison de leur enquête sur les crimes de guerre en Afghanistan. Mike Pompeo, alors secrétaire d’État américain, a lié ces sanctions à l’enquête sur la Palestine, accusant la CPI de cibler Israël pour des raisons politiques.

Ces révélations tombent alors que la CPI continue de faire face à des tentatives d’intimidation et d’influence, selon Karim Khan. Des experts juridiques soulignent que les actions du Mossad pourraient constituer des infractions contre l’administration de la justice, telles que définies par l’article 70 du Statut de Rome. Khan a récemment averti qu’il ne tolérerait pas les tentatives d’intimidation ou d’influence indue sur les fonctionnaires de la CPI.

L’enquête de la CPI sur les crimes de guerre dans les territoires palestiniens remonte à 2015, lorsque Bensouda a décidé d’ouvrir un examen préliminaire. Cette décision a suscité la colère d’Israël, qui craint que ses citoyens ne soient poursuivis pour leur implication dans les opérations dans les territoires palestiniens. En février 2021, la chambre préliminaire de la CPI a confirmé que la cour avait compétence dans les territoires palestiniens occupés, permettant à Bensouda d’annoncer l’ouverture d’une enquête criminelle en mars 2021.

Fatou Bensouda a terminé son mandat de neuf ans à la CPI en juin 2021, laissant à son successeur Karim Khan la responsabilité de poursuivre l’enquête. Les “actes de génocide”, comme qualifiés par la Rapporteuse spéciale de l’ONU Francesca Albanese, perpétrés à Gaza ont donné une nouvelle urgence à l’enquête de la CPI, aboutissant à la demande de mandats d’arrêt la semaine dernière.

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