L’armée russe maintient son initiative tactique et ouvre un nouveau front à Kharkiv

L’armée ukrainienne a reconnu lundi “des succès tactiques” de la Russie dans la région de Kharkiv (nord-est), où Moscou a revendiqué la prise de quatre localités supplémentaires près de la frontière dans son offensive lancée vendredi, qui a entraîné l’évacuation de milliers de civils.

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AFP

Actuellement, l’ennemi connaît des succès tactiques”, a reconnu tôt lundi l’état-major ukrainien dans un communiqué sur Facebook, ajoutant que “des combats se poursuivent dans la ville frontalière de Vovtchansk”, qui comptait quelque 3000 habitants avant l’offensive en cours et où Moscou a mobilisé “jusqu’à cinq bataillons”, selon Kiev.

Cette avancée russe intervient au moment où à Moscou, le président russe Vladimir Poutine a procédé dimanche soir à un remaniement surprise et limogé son emblématique ministre de la Défense Sergueï Choïgou, après deux ans de conflit en Ukraine sans issus claire.

L’AFP a pu voir dimanche des personnes évacuées près de Vovtchansk, la plupart âgées et désorientées. “Nous n’étions pas prêtes à partir”, a déclaré Lyouda Zelenskaya, 72 ans, son chat Zhora dans les bras. Comme elle, Liouba Konovalova, 70 ans, s’est remémorée “la nuit terrifiante” qui a précédé leur évacuation.

“La ville est constamment sous les tirs”

Selon Oleksiï Kharkivsky, un policier de Vovtchansk, “plusieurs personnes” sont mortes dans des bombardements samedi et “la ville est constamment sous les tirs”. “Artillerie, mortiers, les ennemis attaquent avec tout ce qu’ils ont”, a affirmé ce policier mobilisé pour évacuer les habitants.

Selon lui, quelque 1500 personnes ont été évacuées depuis vendredi de cette ville touchée par 32 attaques de drones au cours des dernières 24 heures. Dimanche, il y restait encore quelque 500 personnes, selon le gouverneur de la région de Kharkiv, Oleg Synegoubov. “Toutes les zones de la frontière nord sont sous le feu de l’ennemi presque 24 heures sur 24. La situation est difficile”, a déclaré sur les réseaux sociaux Synegoubov.

Des batailles défensives et des combats acharnés se poursuivent sur une grande part de notre frontière”, a résumé le président ukrainien Volodymyr Zelensky. “L’idée derrière les attaques dans la région de Kharkiv est d’étirer nos forces et de saper le moral” de l’armée ukrainienne.

Un bâtiment endommagé à la suite d’un bombardement dans la deuxième plus grande ville d’Ukraine, Kharkiv, le 3 mars 2022.Crédit: Sergey Bobok / AFP

Le ministère russe de la Défense a fait état dimanche de la prise de quatre localités très proches de la frontière — Gatichtché, Krasnoïé, Morokhovets et Oleïnikovo — dans la région de Kharkiv qui abrite la deuxième ville d’Ukraine.

Volodymyr Tymochko, chef de la police de la région de Kharkiv, a déclaré que Vovtchansk était attaquée sur trois côtés et que les troupes russes se trouvaient à sa périphérie. “Malgré les combats actifs, la police continue d’évacuer” la population, a-t-il déclaré à l’AFP au point d’évacuation.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes Oleksandr Syrsky a assuré que “les tentatives de percer nos défenses ont été stoppées”, mais il a admis que la situation dans la région de Kharkiv s’était “significativement dégradée” et restait “compliquée”. Les forces ukrainiennes “font tout ce qu’elles peuvent pour maintenir leurs lignes de défense et infliger des dégâts à l’ennemi”, a-t-il dit.

Malgré tous les événements qui se déroulent dans la région, (la ville de) Kharkiv est calme, nous ne voyons pas de gens partir”, a déclaré son maire, Igor Terekhov.

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Les autorités de Kiev prévenaient depuis des semaines que Moscou pourrait tenter d’attaquer les régions frontalières du nord-est, alors que l’Ukraine est confrontée à des retards dans l’aide occidentale et qu’elle manque de soldats.

À l’intérieur de la Russie et dans les zones d’Ukraine occupées par les Russes, les forces ukrainiennes ont multiplié les frappes, en particulier contre les infrastructures énergétiques.

À Belgorod, près de la frontière, 15 personnes ont péri lorsqu’un immeuble s’est partiellement effondré dimanche, frappé par un missile ukrainien intercepté par les défenses antiaériennes, selon un nouveau bilan communiqué lundi par le ministère des Situations d’urgence. Une vingtaine de personnes ont été blessées.

L’agence de presse russe RIA Novosti y a signalé tôt lundi “deux importantes explosions” sans fournir davantage de détails. Un drone ukrainien a également provoqué dans la nuit de samedi à dimanche un incendie sur le site de la raffinerie de Volgograd (sud de la Russie), a déploré le gouverneur de la région du même nom, Andreï Botcharov, assurant que le sinistre était éteint et qu’il n’y avait pas eu de victime.

Propriété du géant Loukoïl, la raffinerie affirme sur son site internet être “le plus gros producteur de produits pétroliers dans le district fédéral du Sud”, qui rassemble huit régions dans le sud-ouest de la Russie. Le site avait déjà été la cible d’une attaque de drone ukrainien début février, sans victime là non plus.

Kiev dit agir en réponse aux frappes de l’armée russe contre des sites civils, à commencer par ses infrastructures énergétiques.

Après plus de deux ans de conflit, Sergueï Choïgou, en poste depuis 2012, a donc été remercié. “Aujourd’hui, sur le champ de bataille, celui qui l’emporte, c’est celui qui est le plus ouvert à l’innovation”, a justifié le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Andreï Belooussov, le remplaçant de Sergueï Choïgou, a une formation d’économiste et aucun bagage militaire.