Il s’agit de l’avertissement le plus sévère des États-Unis, un proche allié d’Israël et son principal fournisseur d’armements, concernant la conduite de sa guerre déclenchée le 7 octobre par une attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas sur le sol israélien.
Cette mise en garde intervient en pleine médiation au Caire où les négociations indirectes entre Israël et le Hamas via le Qatar, l’Égypte et les États-Unis ont repris mercredi pour tenter de parvenir à un compromis sur une trêve et éviter un assaut à Rafah.
Sur le terrain, une équipe de l’AFP a fait état jeudi de nombreux tirs d’artillerie à Rafah, à la pointe sud de la bande de Gaza. “Les chars et les avions à réaction tirent”, a déclaré Tarek Bahloul, un habitant dans une rue déserte de Rafah : “Toutes les minutes, on entend une roquette et on ne sait pas où elle va atterrir.”
“S’ils entrent à Rafah, je ne leur livrerai pas les armes qui ont toujours été utilisées (…) contre des villes”
L’armée israélienne a annoncé avoir mené des frappes aériennes sur environ 25 cibles à Zeitoun, au sud-est de la ville de Gaza, dans le but de démanteler les infrastructures militaires du Hamas, notamment des postes de tireurs d’élite. La zone a été touchée par des frappes tout au long de la nuit et plusieurs personnes pourraient être coincées sous les décombres, selon un correspondant de l’AFP.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, menace de lancer une offensive terrestre sur Rafah, où se cachent selon Israël les derniers bataillons du mouvement islamiste palestinien Hamas, mais où s’entassent aussi 1,4 million de Palestiniens, en majorité déplacés par la guerre.
“Des civils ont été tués à Gaza à cause” de bombes américaines, a reconnu le président Joe Biden dans un entretien à CNN, au cours duquel il a pour la première fois posé des conditions à l’aide militaire à Israël, proche allié des États-Unis. “S’ils entrent à Rafah, je ne leur livrerai pas les armes qui ont toujours été utilisées (…) contre des villes”, a déclaré Biden alors que l’armée israélienne a dit préparer une offensive “limitée” à Rafah, faisant craindre à l’ONU un “bain de sang”.
Réagissant à ces propos, l’ambassadeur d’Israël à l’ONU a déclaré jeudi à la radio publique israélienne que cette menace était “difficile à entendre et très décevante”.
Un haut responsable américain a confirmé sous couvert d’anonymat la suspension la semaine dernière d’un transfert vers Israël “de 1800 bombes de 2000 livres (907 kg) et de 1700 bombes de 500 livres (226 kg)”, utilisées pendant la guerre.
Plus tôt cette semaine, l’armée israélienne a pris le contrôle du passage frontalier avec l’Égypte, coupant la principale porte d’entrée pour les convois d’aide humanitaire vers le territoire palestinien assiégé. L’autre point de passage proche de Rafah, Kerem Shalom côté israélien, fermé dimanche après des tirs revendiqués par le Hamas, a été visé mercredi par des tirs de roquettes peu après sa réouverture, selon l’armée.
Les soldats israéliens ont poursuivi mercredi leurs “opérations ciblées” du côté gazaoui du point de passage, dans l’est de Rafah, sur la base d’informations faisant état de “terroristes opérant dans le secteur”.
“Même les zones présentées comme sûres par l’armée israélienne sont bombardées”
“Nous avons très peur. L’armée d’occupation continue de tirer à l’aveugle des obus sur des quartiers de l’est de Rafah, en plus d’une intensification des frappes aériennes”, a raconté à l’AFP un habitant de la ville, Mouhanad Ahmad Qishta. “Même les zones présentées comme sûres par l’armée israélienne sont bombardées”, a-t-il ajouté.
La fermeture des points de passage et les opérations militaires à Rafah font craindre une aggravation de la crise humanitaire dans le territoire palestinien.
Il ne restait mercredi que “trois jours de carburant” aux hôpitaux du sud de Gaza, “ce qui signifie qu’ils pourraient bientôt cesser de fonctionner”, a averti le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Un médecin urgentiste britannique, James Smith, en mission dans le sud de Gaza, a décrit une situation sanitaire “catastrophique” et une odeur d’eaux usées “omniprésente” dans les hôpitaux, dont plusieurs ont été ravagés par les combats et les frappes.
Cette guerre a éclaté le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont mené une attaque contre Israël, sans précédent dans l’histoire du pays, qui a fait plus de 1170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l’armée. En riposte, l’armée israélienne a lancé une offensive dans la bande de Gaza qui a fait jusqu’à présent 34.904 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Concernant les pourparlers de médiation au Caire, le média Al-Qahera News, proche du renseignement égyptien, a fait état d’une “convergence” de vues sur certains points.
À Jérusalem, Benjamin Netanyahu a rencontré mercredi le directeur de la CIA, William Burns, pour discuter d’une possible “pause” dans les opérations militaires dans le sud de la bande de Gaza en échange de libérations d’otages, selon un responsable israélien.
Lundi, quelques heures avant le déploiement de troupes israéliennes à Rafah, le Hamas avait donné son feu vert à une proposition présentée par les médiateurs.
Israël a répondu que cette proposition était “loin de ses exigences” et répété son opposition à un cessez-le-feu définitif tant que le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qu’il considère comme une organisation terroriste de même que les États-Unis et l’Union européenne, ne serait pas vaincu.