En plus de 25 ans d’aide humanitaire, je n’ai jamais vu un conflit où les gens doivent tourner en rond et ne peuvent aller nulle part”, a raconté mardi soir par téléphone Zouhair Lahna. Ce gynécologue de 57 ans est chef de mission pour Rahma Worldwide, une ONG américaine, ainsi que pour Palmed, une association basée en France qui dit agir “pour la santé en Palestine”.
La guerre à Gaza, déclenché le 7 octobre après l’attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur le sol israélien, est “terrible pour les femmes”, en particulier celles qui “sortent de l’hôpital trois heures après avoir accouché. Elles se retrouvent dans des tentes ou des abris où sont entassés des gens”, raconte le médecin qui a exercé à l’hôpital européen de Khan Younès et au centre mère-enfant de Rafah, deux villes du sud de la bande de Gaza.
“On donne des antibiotiques à tire-larigot pour pallier la situation”, parce que “le risque d’infection est énorme”, “parce qu’on sait que” ces femmes “ne peuvent pas se changer beaucoup”, qu’elles “vont suer” et “n’ont pas d’eau” pour se laver. Visiblement éprouvé, il dit avoir assisté au décès par septicémie d’une mère, quatre jours après avoir accouché.
“Les femmes et les filles à Rafah, comme dans le reste de la bande de Gaza, sont dans un état permanent de désespoir et de peur”, constatait lundi ONU-Femmes en publiant une étude. Selon cette étude, “93% des femmes interrogées se sentent vulnérables”, “plus de 80% (…) font état de sentiments dépressifs, 66% n’arrivent pas à dormir et plus de 70% souffrent d’anxiété intense et de cauchemars”. En outre, “plus de la moitié ont des problèmes de santé nécessitant une attention urgente”.
De manière globale, la situation sanitaire est “catastrophique”, résume mercredi à l’AFP James Smith, urgentiste britannique bénévole toujours déployé entre Rafah et Khan Younès. Le système de soins est en ruine, de nombreux hôpitaux ayant été pris pour cible par l’armée israélienne, qui accuse le Hamas de les utiliser à des fins militaires.
Dans le nord de la bande de Gaza, “les images sont celles de Berlin après la Seconde Guerre mondiale, ou de Grozny : on ne peut plus y vivre”, assure le Dr Lahna.
L’hôpital Kamal Adwan, à Beit Lahia, où il était la semaine dernière, “est un cinq-étoiles” comparé aux paysages de désolation, car il y a “des générateurs et de l’eau, quand il n’y a pas de coupures”. “On a pu y travailler, sans scanner, on pouvait opérer”, malgré la poursuite des combats.
À Rafah, localité frontalière de l’Égypte, les gens sont “paniqués” depuis que les autorités israéliennes ont enjoint des dizaines de milliers de familles à évacuer des quartiers est de cette ville où s’agglutinent, selon l’ONU, 1,4 million d’habitants et de déplacés.
L’hôpital “Al-Najjar a été classé en zone rouge, les patients et le personnel ont déjà commencé à fuir de manière préventive, par peur”, explique le Dr Smith, et le “flux constant et fiable” de produits médicaux et de personnel international qui vient soutenir les hôpitaux de campagne a par ailleurs été “suspendu” avec la fermeture du point de passage de Kerem Shalom dimanche — qu’Israël a indiqué rouvrir mercredi.
Dans une odeur d’eaux usées “omniprésente”, il explique prendre en charge des cas de jaunisse, “très probablement” dus à des hépatites qui ne peuvent être diagnostiquées faute de tests disponibles, mais aussi des enfants et des adultes souffrant de “problèmes respiratoires complexes, de diarrhées et de vomissements”.
L’attaque menée par le Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre a entraîné la mort de plus de 1170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël a lancé une opération militaire dans la bande de Gaza qui a jusqu’ici fait 34.844 morts, principalement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.