Israël a lancé lundi une opération visant à faire évacuer des dizaines de milliers de familles palestiniennes de l’est de la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où l’armée prépare une offensive d’ampleur dans sa guerre contre le Hamas.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, annonce depuis des semaines une offensive prochaine sur Rafah, indispensable selon lui pour anéantir les derniers bataillons du mouvement islamiste dans le territoire palestinien.
Environ 100.000 personnes à évacuer
“Le processus d’évacuation a commencé sur le terrain, de façon limitée. Les habitants évacuent dans la terreur et la panique”, a déclaré à l’AFP Ossama al-Kahlout, un responsable du Croissant-Rouge palestinien dans l’est de Rafah, précisant que les zones désignées abritaient environ 250.000 personnes.
L’armée a confirmé avoir “commencé une opération d’ampleur limitée pour évacuer temporairement les personnes résidant dans l’est de Rafah”, estimant à “environ 100.000” le nombre de personnes concernées.
Des habitants ont raconté à l’AFP avoir appris la nouvelle à leur réveil, après une nuit d’angoisse rythmée par une dizaine de frappes israéliennes. Certains préparaient leurs affaires, dans leurs tentes inondées par une pluie abondante.
Rafah, à la lisière sud de la bande de Gaza, est transformée en un gigantesque camp de réfugiés abritant, selon l’ONU, 1,2 million de Palestiniens, soit la moitié de la population du territoire, la plupart des déplacés qui ont fui la guerre plus au nord.
Malgré l’opposition de nombreuses capitales et organisations internationales qui redoutent un bain de sang, Benjamin Netanyahu a promis de lancer cette offensive quelle que soit l’issue des négociations indirectes visant à imposer une trêve associée à la libération d’otages retenus à Gaza.
Un cycle de pourparlers a pris fin dimanche au Caire sans avancée. Le Hamas continue à réclamer un cessez-le-feu définitif tandis qu’Israël promet de détruire le mouvement islamiste, auteur le 7 octobre sur son sol d’une attaque sans précédent, qui a déclenché la guerre.
Des tracts largués lundi matin sur les quartiers est de Rafah avertissent que “l’armée israélienne s’apprête à agir avec force contre les organisations terroristes” et que quiconque reste dans la zone “met en danger sa vie et celles de sa famille”. “Pour votre sécurité, l’armée israélienne vous demande d’évacuer immédiatement vers la zone humanitaire élargie d’al-Mawasi”, à une dizaine de kilomètres de Rafah, est-il indiqué. Selon l’armée, “des hôpitaux de campagne, des tentes et un volume croissant de nourriture, d’eau, de médicaments et autres” sont installés dans cette zone.
“Tous ceux résidant dans les zones désignées évacuent leurs maisons”, a raconté à l’AFP un habitant souhaitant garder l’anonymat, dont la sœur vit dans un quartier concerné. “Ma famille et moi, 13 personnes, ne savons pas où aller”, a confié Abdul Rahman Abu Jazar, un homme de 36 ans qui habite un quartier à évacuer.
Les “zones humanitaires” indiquées par l’armée sont déjà “surpeuplées”, sans “place pour planter des tentes ou écoles où nous abriter”, “il n’y a aucun hôpital dans cette zone”, a-t-il poursuivi.
Attaques et fermeture du point de passage de Kerem Shalom
Pendant la nuit, l’armée a bombardé Rafah, faisant 16 morts au sein de deux familles, selon les secouristes.
L’évacuation commencée lundi “fait partie de nos plans de démantèlement du Hamas” dont “nous avons eu un rappel violent de la présence et de la capacité opérationnelle à Rafah hier”, a souligné un porte-parole de l’armée.
Dimanche, trois soldats israéliens ont été tués et douze blessés par des roquettes tirées depuis l’est de Rafah autour du point de passage de Kerem Shalom, principal point d’entrée de l’aide humanitaire depuis Israël vers Gaza. La branche armée du Hamas a revendiqué ces tirs, qui ont conduit Israël à fermer le passage, alors que l’aide internationale entre au compte-gouttes dans le territoire assiégé, où l’ONU craint une famine généralisée.
La guerre a éclaté le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont lancé une attaque dans le sud d’Israël, qui a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Durant l’attaque, plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 35 sont mortes, selon l’armée.
L’offensive israélienne lancée dans la bande de Gaza en représailles a fait jusqu’à présent 34.683 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas. Israël a juré d’anéantir le mouvement islamiste, au pouvoir à Gaza depuis 2007, qu’il considère comme une organisation terroriste de même que les États-Unis et l’Union européenne.
La diplomatie internationale en action pour relancer les pourparlers
L’offre des pays médiateurs, Qatar, Égypte et États-Unis, présentée fin avril au Hamas, prévoit une trêve associée à une libération d’otages en échange de prisonniers palestiniens détenus par Israël.
Benjamin Netanyahu a réaffirmé dimanche qu’Israël ne pouvait “accepter” les demandes du Hamas, qui réclame un cessez-le-feu définitif dans le territoire palestinien en préalable à tout accord, notamment sur la libération des otages.
Le Hamas a toutefois indiqué lundi avoir l’intention de continuer à négocier une trêve. “Nous allons continuer les négociations de façon positive et ouverte pour parvenir à un accord (…) qui prévoie un cessez-le-feu illimité”, a déclaré à l’AFP un porte-parole du mouvement, Abdel Latif Al-Qanou.
Le directeur de la CIA, le service de renseignement américain, William Burns, est attendu lundi au Qatar, selon une source proche des négociations, pour une “réunion d’urgence avec le Premier ministre” de l’émirat, cheikh Mohammed ben Abdelrahmane Al Thani, “afin de discuter des moyens de remettre les pourparlers sur les rails”.
“Aucune pression” internationale n’empêchera Israël de “se défendre”, a prévenu dimanche Benjamin Netanyahu. “Si Israël doit rester seul, Israël restera seul”, a-t-il insisté, tout en dénonçant le “terrible volcan de l’antisémitisme” déferlant selon lui à travers le monde.