Le mouvement Damir critique dans une lettre ouverte le bilan de mi-mandat du gouvernement

Gouvernance, emplois, économie, hydrocarbure, vision stratégique, le bilan fait par le mouvement Damir de la première moitié de mandat de Aziz Akhannouch est loin de rejoindre la présentation positive faite par le chef du gouvernement. Détails.

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Le gouvernement de Aziz Akhannouch est le premier Exécutif à enregistrer plus de destructions que de créations de postes de travail, depuis le gouvernement de Abbas El Fassi, avec pas moins de 181.000 emplois nets détruits en un demi-mandat. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

La présentation, le 24 avril dernier, du bilan de mi-mandat du gouvernement devant les deux chambres du Parlement par Aziz Akhannouch, a mis en avant les résultats de l’Exécutif qu’il estime dépasser “toutes les prévisions et attentes”.

Lors de sa présentation, le chef du gouvernement a tenu à mettre en avant les réalisations de la majorité, notamment la généralisation de l’AMO, les aides sociales directes, le dialogue social ou encore l’investissement public. Aziz Akhannouch n’a pas manqué de rappeler que ces avancées ont été effectuées par son gouvernement malgré un contexte international marqué par l’instabilité. “Le Maroc n’est pas isolé de ce contexte international, cette situation préoccupante a affecté l’économie nationale”, a défendu le chef du gouvernement.

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Une vision positive de la première moitié de mandat qu’est loin de partager le mouvement Damir, qui s’est fendu d’une lettre ouverte au chef du gouvernement où il donne sa propre évaluation de l’action de l’Exécutif. L’avis du mouvement sur l’action gouvernementale et la présentation qui en a été faite devant les parlementaires est énoncé d’entrée de jeu dans le document : “Comment pourriez-vous argumenter les nombreuses contrevérités énoncées dans ce discours au sujet de la cohérence de votre majorité parlementaire ?

Une défiance du mouvement, motivée par un taux de croissance de 1,3% en 2022 et 2,9% en 2023, alors que lors de son investiture, l’Exécutif s’était engagé à atteindre un rythme de croissance annuelle de 4%. La situation du marché de l’emploi a également été pointée du doigt dans la lettre ouverte, rappelant la destruction de plus de 180.000 emplois nets depuis le début de mandat de ce gouvernement. Le collectif a par ailleurs souligné la hausse de 15% du taux de défaillance des entreprises en 2023, le recul des crédits bancaires dans le secteur industriel ou encore la situation de la dette publique (90% du PIB à fin juin 2023).

Sur autre volet, la lettre ouverte revient sur l’épisode de la grève des enseignants, “trois mois de grève quasi continue dans l’éducation nationale, dont les conséquences pédagogiques sur les enfants seront sans nul doute fortement préjudiciables pour leur processus d’apprentissage”. Le gouvernement a dû faire face à différents mouvements de grèves professionnels ou estudiantins depuis son entrée en fonction, à des négociations houleuses pour la réforme du statut de plusieurs professions libérales. Une situation qui démontre, pour Damir, les difficultés de cet Exécutif au moment d’entamer des négociations de la sorte : “L’opposition parlementaire ainsi que les partenaires sociaux, en particulier les syndicats, ont le plus souvent l’impression que les discussions sont vaines, en raison de la faiblesse de la culture politique de votre Exécutif, d’un certain entêtement idéologique dont il fait preuve.

Mais s’il existe une question sur laquelle Damir a interpellé le chef du gouvernement, c’est bien celle des hydrocarbures, décrite dans la lettre ouverte comme “emblématique de la faillite”. Selon le document, ce dossier a pour particularité de cristalliser l’attention sur les risques de conflits d’intérêts du fait de la double casquette du chef de gouvernement. Les rédacteurs de la lettre ont d’un autre côté imputé la responsabilité de la faillite de la Samir et de la libéralisation du secteur des hydrocarbures, et par ricochet des concentrations et pratiques anti-concurrentielles constatées dans l’importation-distribution des hydrocarbures, à l’Executif.

Ces derniers ont ainsi critiqué, pêle-mêle, les gouvernements Othmani et Akhannouch sur leur gestion de la restructuration du Conseil de la concurrence, avant de critiquer l’amende transactionnelle de 1,84 milliard de dirhams imposée aux opérateurs du secteur. Un montant jugé dérisoire, en comparaison des 60 milliards de dirhams de “profits illégitimes” à fin 2023. Les membres du mouvement ne s’arrêtent pas là et reprochent à la chefferie du gouvernement une certaine “inaction” sur la question : “Vous disposez aujourd’hui, comme vous en disposiez hier, Monsieur le Chef du gouvernement, d’outils législatifs vous permettant d’intervenir rapidement pour mettre fin au désordre observé dans le secteur des hydrocarbures.

En plus de la question des hydrocarbures, le mouvement a dénoncé le manque de vision du gouvernement, en ce qui concerne les stocks stratégiques (alimentaire, sanitaire, énergétique, numérique et financière), avant de critiquer l’orientation de l’Exécutif dans le secteur de l’énergie. “La politique énergétique de votre gouvernement a la faiblesse d’ignorer les enjeux réels de la souveraineté énergétique, considérant, à tort, que le développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert serait la panacée”, avance la lettre avant d’ajouter : “Si la stratégie de développement des énergies propres est d’une pertinence stratégique indiscutable, un tropisme excessif à l’égard de cette seule source d’énergie serait préjudiciable pour notre économie, car votre ministre en charge du département de la Transition énergétique et du Développement durable, semble ignorer que les énergies fossiles représentent toujours la part la plus importante du bouquet énergétique et électrique tant au Maroc que dans le monde.

Damir a, par la suite, rappelé les engagements pris par le chef du gouvernement lors de son investiture concernant l’application des recommandations du Nouveau modèle de développement. En conclusion de cette lettre ouverte, les membres du mouvement n’y vont pas de main morte, en signifiant que la politique gouvernementale “sert des intérêts privés dominants et cherche à se légitimiser par la dictée des institutions financières internationales, celles précisément qui ont enfanté le consensus de Washington avec sa pensée néolibérale dominante et sa théorie erronée du ruissellement, qui prétend qu’une politique favorisant les revenus des plus riches, notamment par une réduction de leurs impôts, profite à toute l’économie et aux plus démunis”.