Depuis l’attaque sans précédent du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre, qui déclenché la guerre à Gaza, les échanges de tirs se multiplient entre l’armée israélienne et le Hezbollah, un allié du Hamas, le long de la frontière. Le mouvement islamiste libanais dispose d’une véritable armée et d’un arsenal redoutable dont il n’a encore utilisé qu’une petite partie, selon des experts.
Lundi, pour la première fois depuis des années, des frappes israéliennes ont visé Baalbek, fief de la formation chiite pro-iranienne, à environ 100 kilomètres de la frontière. Et le Hezbollah a répliqué avec des dizaines de tirs de roquettes vers le nord d’Israël.
Ces tirs transfrontaliers n’ont pas empêché Arye et Ditza Alon, un couple de trentenaires israéliens, de faire du trekking à une dizaine de kilomètres de la frontière, au pied du mont Hermon, dans un secteur du Golan syrien occupé par Israël, et de ses cimes enneigés.
Dans ce paradis naturel verdoyant, balayé par un soleil de printemps et les chants des oiseaux, le couple marche en réfléchissant à la délicate situation. “Est-ce que nous voulons ou non une guerre dans le nord ? C’est la grande, grande, question” et “nous ne pensons qu’à ça, tout le temps”, souligne Ditza. “D’un côté, s’il n’y a pas de guerre, ce qui s’est produit à Gaza pourrait aussi se produire ici. Mais de l’autre, s’il y a une guerre, elle ne sera pas petite, et il y aura de nombreux soldats et civils tués”, explique-t-elle.
Côté libanais, plus de 280 personnes, en majorité des combattants du Hezbollah et de ses alliés, et 44 civils, ont été tuées en plus de quatre mois de conflit, selon un décompte de l’AFP. Côté israélien, l’armée déplore dix soldats et six civils tués. Des dizaines de milliers d’habitants des deux côtés de la frontière ont abandonné leurs foyers.
Ditza, elle, dit se préparer à partir car “dès que ce sera terminé à Gaza (…) il y aura beaucoup plus de bruit dans le nord”, mais elle dit aussi “espérer” que la situation reste calme. Pour son mari Arye, barbe marron fournie, la guerre contre le Hezbollah n’est qu’une question de temps, et elle est nécessaire.
“Ça va arriver car le Hezbollah est comme le Hamas, ils sont comme des frères. Si le Hezbollah ne se replie pas au nord du Litani (fleuve libanais dont une portion marque la frontière du sud du Liban, ndlr) ce qui est arrivé à Gaza se reproduira ici. Peut-être pas demain, mais dans cinq ou dix ans. Alors il faut se tenir prêt”, tranche-t-il.
“Israël veut une solution diplomatique pour que le Hezbollah se retire du sud du Liban car sans solution, la guerre est imminente”
Une trêve à Gaza n’entamera pas “l’objectif” d’Israël de repousser le Hezbollah du sud du Liban, a assuré cette semaine le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, lors d’une visite dans le nord, confirmant que les militaires avaient augmenté leur “puissance de feu” à la frontière. “Nous allons poursuivre les tirs, indépendamment de ce qui se passe dans le sud, et ce jusqu’à ce que nous atteignions notre objectif” de repousser le Hezbollah de la frontière, a-t-il ajouté.
La France a récemment présenté des “propositions” pour éviter un conflit ouvert entre Israël et le Hezbollah, parmi lesquelles, selon des sources diplomatiques, un retrait des combattants du Hezbollah de 10 à 12 km au nord de la frontière.
Pour Amir Avivi, ex-brigadier général de l’armée israélienne, une trêve à Gaza ne changera rien : “Le Hezbollah va peut-être respecter la trêve, mais nous n’allons pas respecter de trêve avec lui.”
Le gouvernement israélien a répété qu’il mènerait après l’éventuelle trêve une opération terrestre à Rafah, dernier bastion du Hamas dans le sud de la bande de Gaza, pour remporter une “victoire totale”.
“La grande question sera : que fait-on alors avec le nord ? Israël veut une solution diplomatique pour que le Hezbollah se retire du sud du Liban car sans solution, la guerre est imminente”, note Avivi. Avec le risque selon lui, si des pourparlers s’enlisent, qu’à un moment le Hezbollah estime la guerre inévitable et “cherche à surprendre l’armée israélienne”.
Près de la frontière avec le Liban, Ditza se prépare à toute éventualité : “Nous espérons chaque jour que tout soit calme, mais nous sommes aussi prêts à partir demain matin si on nous dit de le faire.” Alors qu’elle et son mari venaient de terminer leur randonnée, des roquettes ont fusé du Liban. Et un avion de chasse israélien a déchiré le bleu du ciel.