La décision sera rendue le 11 mars, soit après l’audience qui a eu lieu quatre jours après l’expulsion vers la Tunisie de l’imam Mahjoub Mahjoubi.
Fin juillet 2022, le ministre de l’Intérieur avait annoncé l’expulsion de Iquioussen, prédicateur du Nord fiché S (pour Sûreté de l’État) par les services de renseignement. L’arrêté signé par le ministre lui reproche “un discours prosélyte émaillé de propos incitant à la haine et à la discrimination et porteur d’une vision de l’islam contraire aux valeurs de la République”.
Mais l’imam était introuvable au moment où l’arrêté d’expulsion avait été validé par le Conseil d’État le 31 août 2022. Il avait fui en Belgique, où il sera interpellé puis expulsé vers le Maroc en janvier 2023.
Lundi, le tribunal administratif, qui avait suspendu en urgence début août 2022 l’expulsion, a étudié l’affaire sur le fond, un recours en excès de pouvoir dans lequel le requérant de 59 ans demande notamment un titre de séjour. Il a été question lors de l’audience de savoir si les propos et vidéos de Hassan Iquioussen, entre 2003 et 2019, portaient ou non atteinte à la sûreté de l’État.
Selon les conclusions lues par la rapporteuse publique, l’arrêté d’expulsion est justifié par la réitération sur plusieurs années d’un “discours systématique”, “sans nuance” et antisémite. Ces propos sont “de nature à provoquer de la violence” ou sonnent comme “des appels à la haine et la discrimination”, à l’encontre des femmes notamment.
“L’idée de guerre entre musulmans et non-musulmans est très prégnante” dans les propos de l’imam, fait valoir le ministère de l’Intérieur, et les discours de “victimisation de la population musulmane” de l’imam peuvent faire naître de “la défiance”.
Il s’agit de liberté d’opinion et non de provocation, argue l’avocate de Iquioussen, Me Lucie Simon, regrettant que le ministère s’appuie sur “des citations tronquées”. “Les faits litigieux sont plus anciens que cinq ans”, relève-t-elle. “Il n’y a plus de menace actuelle.”
Le problème est le discours de Iquioussen et ses vidéos, pourtant “on ne lui a jamais donné aucune sommation” d’arrêter, selon l’avocate, assurant que son client était “prêt à ne jamais plus faire de conférence”.
Né en France, Iquioussen avait décidé à sa majorité de ne pas opter pour la nationalité française. Il affirme y avoir renoncé à 17 ans sous l’influence de son père et avoir ensuite tenté en vain de l’obtenir. Ses cinq enfants et ses 18 petits-enfants sont Français et implantés dans le département du Nord.
Si le tribunal administratif n’annulait pas l’arrêté, Iquioussen pourrait encore saisir la Cour administrative d’appel de Paris, puis le Conseil d’État, et en dernier recours la Cour européenne des droits de l’Homme, rappelle Me Simon.