Dans le désastre de la guerre qui frappe la bande de Gaza, le destin mystérieux de cette petite Palestinienne obsède son grand-père. Baha Hamada se caresse nerveusement le crâne. Il dit ne pas avoir fermé l’œil depuis que sa petite-fille a disparu, il y a une semaine.
“Nous voulons savoir ce qui lui est arrivé, quoi qu’il en soit. Je ne peux l’imaginer au milieu des corps, sans boire ni manger et dans le froid extrême. Les chiens et les chats mangent les cadavres”, dit cet homme de 58 ans aujourd’hui déplacé à Rafah, à l’extrême sud de la bande de Gaza. “Elle avait peur, elle était terrifiée et elle était blessée au dos, à la main et au pied”, ajoute-t-il sans cesser de sangloter.
Gaza-ville est quasiment coupée du reste du territoire depuis des semaines. Les Nations unies dénoncent l’impossibilité d’acheminer l’aide humanitaire aux centaines de milliers de personnes restées dans le nord du territoire palestinien, lourdement frappé dès le début de la guerre.
Les combats font désormais rage dans le sud. À Gaza-ville, des cadavres ont été abandonnés dans les rues, d’autres sont restés piégés sous les décombres de bâtiments effondrés.
Dans la voiture se trouvaient la petite Hind ainsi que Bashar, le frère de Hamada, sa belle-sœur et une ribambelle d’autres enfants. Ils tentaient de fuir les forces israéliennes dans le quartier de Tel al-Hawa, mais se sont retrouvés face à des chars, qui ont, semble-t-il, ouvert le feu.
“J’ai téléphoné à mon frère et sa fille Layan a répondu. Elle a dit que ses parents et ses trois frères avaient été tués et qu’elle était en vie avec Hind. On a essayé de la calmer, en lui disant qu’on appellerait une ambulance”, raconte le grand-père à l’AFP.
Puis Hind a pris sa mère au téléphone. La fillette a dit qu’elle voyait l’ambulance arriver. “Sa mère a entendu le bruit d’une porte de voiture qui s’ouvre, puis a perdu la connexion.” Depuis, rien.
Layan, 15 ans, a été tuée comme tous les autres occupants de la voiture. Mais quid de la fillette ? L’armée israélienne n’a pas répondu aux questions de l’AFP quant aux tirs sur une voiture pleine de civils. Ni sur le sort de la fillette et de ceux venus la chercher.
Le Croissant-Rouge palestinien (IFRC) a confirmé qu’un standardiste avait eu Layan en ligne et avait entendu un bruit de tirs. Les deux hommes partis chercher la petite, Youssef Zeino et Ahmed al-Madhoon, envoyés sur place avec une ambulance, n’ont jamais été revus.
“Nous appelons la communauté internationale à intervenir immédiatement afin de faire pression sur les autorités d’occupation (Israël, ndlr) pour révéler le sort réservé à la petite Hind et à l’équipe de l’IFRC”, a déclaré celui-ci samedi.
La guerre a éclaté le 7 octobre après une attaque sans précédent menée sur le sol israélien par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza, qui a entraîné la mort de plus de 1160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.
En riposte, Israël a lancé une offensive militaire qui a fait près de 27.500 morts dans la bande de Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas. Cinq enfants ont été tués dans cette voiture. Hamada explique que son petit-fils de trois ans et ses parents sont encore en vie, quelque part à Gaza-ville. Mais l’image de la petite le hante.
“Hind est ma première petite-fille, c’est une part de moi”, souffle le grand-père. Sur des photos qu’il montre à l’AFP, la fillette apparaît tout sourire, peignée avec soin, vêtue de robes colorées dans une maison rutilante. Des temps qui semblent irréels aujourd’hui.
Incapable de retenir ses larmes, Hamada se souvient des derniers mots échangés avec elle. “Elle me disait qu’elle avait peur et qu’elle avait faim, et me demandait de venir la chercher. Elle me disait que les chars se rapprochaient.”