Jusqu’au 12 mars, treize prévenus comparaissent au tribunal correctionnel de Paris aux côtés de l’homme d’affaires de 57 ans, actionnaire quasi unique du groupe, poursuivi pour abus de biens sociaux, blanchiment, faux et escroquerie. Il s’agit notamment d’anciens cadres du groupe et dirigeants de sociétés prestataires.
Franck Julien est jugé pour le détournement, entre 2008 et 2019, de plus de 36 millions d’euros au détriment d’Atalian, géant français spécialisé dans le nettoyage et la sécurité des entreprises, qui compte 67.000 salariés à travers le monde.
Avant que le tribunal ne se penche sur le volet financier du dossier, c’est Hicham F., 45 ans, qui a ouvert mardi le bal des auditions. Le 6 janvier 2015, ce Marocain est aléatoirement contrôlé au volant d’une Renault-Kangoo au péage de l’A6 de Fleury-en-Bière (Seine-et-Marne). Dans le coffre – jackpot – les douaniers découvrent pour près de 2 millions d’euros en liquide dissimulés dans un chauffe-eau et un sèche-linge. Sur ces billets, l’enquête révèlera en outre des traces de cocaïne « à très haute teneur ».
Lors de la fouille du véhicule, les douaniers notent qu’Hicham F. est « particulièrement stressé » et « semble faire des prières », a-t-il été rappelé à l’audience. A la barre, le prévenu jette la pierre aux agents: « Ils m’ont mis la pression, j’étais pas bien », se justifie-t-il. « Il faisait très froid, je tremblais ». Hicham F. l’assure : il ne savait « rien de l’existence de cet argent » dont la découverte a été pour lui un « choc ».
En 2015, il résidait en Espagne, proposant de temps à autre des services de « transporteur », de « l’import/export d’objets », avait-il résumé aux enquêteurs.
La veille de son interpellation, il avait pris l’avion pour Düsseldorf (Allemagne), mandaté par un acheteur/revendeur de voitures pour récupérer la Renault-Kangoo en question, qu’il était chargé de redescendre à son propriétaire au Maroc, à Taourirt.
Mais en chemin, un autre client pour qui il avait déjà travaillé deux mois plus tôt le prévient que deux personnes vont entrer en contact avec lui pour lui remettre au cours de son voyage des « objets » à rapporter au Maroc.
C’est ainsi qu’Hicham F. dit s’être retrouvé en possession du chauffe-eau et du sèche-linge, récupérés en banlieue parisienne le 6 janvier, avant de reprendre la route et d’être arrêté dans la foulée. S’il ignorait qu’il allait convoyer de l’argent, n’a-t-il rien remarqué lors des deux chargements? « C’était du neuf, un emballage d’origine, donc je ne pouvais pas déchirer le carton pour regarder ce qu’il y avait à l’intérieur ! », a-t-il défendu à l’audience. « Mais c’était un peu lourd, non ? », ironise une juge. « Je n’ai pas posé de questions », réplique-t-il.
L’enquête n’a pu déterminer si cet argent appartenait bel et bien à Franck Julien. Mais les enquêteurs sont remontés jusqu’à son nom après avoir établi des liens téléphoniques entre le réseau de blanchiment de l’argent transporté par Hicham F. et le majordome de Franck Julien, employé dans sa villa de Marrakech.
En parallèle, ils mettaient aussi le doigt sur un réseau d’entrepreneurs de la région parisienne à la tête d’une nébuleuse de sociétés éphémères dont les prestations étaient en grande partie réalisées pour le compte d’Atalian.
Selon les juges d’instruction chargés de l’enquête, Franck Julien a eu l’habitude de facturer à sa société (et rarement rembourser) la rénovation de biens immobiliers personnels : un appartement à Paris, une maison en forêt de Rambouillet (Yvelines), un hôtel particulier à Uccle près de Bruxelles…
Dans ce système, selon eux, les artisans surfacturaient ou émettaient de fausses factures pour rétrocéder ultérieurement des espèces à Julien ou autres cadres de la société, qui auraient notamment servi aux « besoins personnels » de l’ex-PDG du groupe.