Exilé au Liban depuis plusieurs années, Saleh al-Arouri a été tué dans une frappe imputée à l’armée israélienne qui a visé le bureau du Hamas dans la banlieue sud de la capitale libanaise, fief du Hezbollah pro-iranien, selon deux responsables libanais de la sécurité.
Selon le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh, qui a fustigé un “acte terroriste” et assuré que le mouvement ne serait “jamais vaincu”, deux chefs de la branche militaire du Hamas, les brigades Ezzedine al-Qassam, Samir Fandi et Azzam al-Aqraa, ont aussi été tués dans la frappe, comme quatre autres cadres du mouvement, Mahmoud Zaki Chahine, Mohammad Bashasha, Mohammad al-Raïs et Ahmad Hammoud
Interrogée par l’AFP, l’armée israélienne a indiqué “ne pas commenter les informations des médias étrangers”. Son porte-parole Daniel Hagari, sans évoquer directement la frappe qui a tué Salah al-Arouri, a affirmé dans la soirée qu’elle était prête à faire face à “tout scénario”, alors que la mort du dirigeant du Hamas au Liban a ravivé les craintes d’un embrasement régional.
Mardi soir, le Hezbollah libanais, qui soutient le Hamas, a assuré que “l’assassinat” de Saleh al Arouri ne “restera(it) pas sans riposte ou impuni”, le Premier ministre libanais dénonçant aussi un “nouveau crime israélien (qui) vise à entraîner le Liban dans une nouvelle phase de confrontation” avec Israël.
Même son de cloche du côté du Premier ministre de l’Autorité palestinienne, qui a mis en garde “contre les risques et les conséquences qui pourraient en découler”, et du Jihad islamique, un autre groupe armé de Gaza, qui a dénoncé une “tentative de l’ennemi sioniste (…) d’entraîner toute la région dans la guerre”.
Le Hamas avait mené le 7 octobre une attaque d’une ampleur inédite sur le sol israélien, faisant 1140 morts, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes, et prenant environ 250 personnes en otage, dont plus de 100 avaient été libérés fin novembre lors d’une trêve, en échange de prisonniers palestiniens.
En réaction, Israël a juré de “détruire” le mouvement islamiste palestinien, classé comme organisation terroriste par les États-Unis, Israël et l’Union européenne, et pilonne depuis la bande de Gaza, soumise à un siège total depuis le 9 octobre.
La guerre a coûté la vie à 22.185 personnes à Gaza, majoritairement des femmes, des adolescents et des enfants, a annoncé mardi le Hamas, qui dirige le territoire depuis 2007.
Depuis le début du conflit, la frontière israélo-libanaise était déjà le théâtre quasi quotidien d’échanges de tirs entre l’armée israélienne et le Hezbollah, qui soutient le Hamas, mais jamais une frappe n’avait touché les abords de la capitale libanaise depuis le début de la guerre. Jamais non plus un dirigeant aussi haut placé du Hamas que Saleh al Arouri n’avait été tué depuis le début du conflit, qui a vu l’armée israélienne annoncer plusieurs fois qu’elle avait réussi à tuer des responsables du mouvement dans la bande de Gaza.
Mardi soir, de nombreux habitants avaient afflué aux abords de l’immeuble touché dans la banlieue de Beyrouth, dont la façade apparaissait très endommagée sur deux étages. À travers les murs totalement éventrés d’un de ces étages, plusieurs silhouettes de personnes étaient visibles, tentant apparemment de relever des éléments sur la frappe.
De nombreux Palestiniens se sont par ailleurs rassemblés après l’annonce de la mort de Saleh al-Arouri dans les rues de Ramallah, en Cisjordanie occupée, où les heurts avec l’armée et les colons israéliens se sont multipliés depuis le début du conflit entre le Hamas et Israël, selon des images de l’AFPTV.
Après avoir passé près de vingt ans dans les prisons israéliennes, Saleh al-Arouri avait été libéré en 2010 à la condition qu’il s’exile. Sa maison, vide, avait été détruite à l’explosif par l’armée israélienne en Cisjordanie occupée fin octobre, selon des témoins.
Sur le terrain à Gaza, l’armée israélienne a par ailleurs poursuivi sans relâche mardi ses opérations au sol et ses bombardements.
Malgré les demandes pressantes de la communauté internationale à un cessez-le-feu, l’armée se prépare à des “combats prolongés”, qui devraient durer “tout au long de l’année”, a prévenu son porte-parole, Daniel Hagari.
“L’idée que nous pourrions nous arrêter bientôt est erronée. Sans une victoire claire, nous ne pourrons pas vivre au Proche-Orient”, a renchéri le ministre de la Défense Yoav Gallant, qui a rendu visite mardi à des soldats — dont 173 sont morts dans la bande de Gaza.
Des témoins ont fait état, dans la nuit de lundi à mardi, de tirs de missiles en direction de la ville de Rafah (sud) et de bombardements autour du camp de réfugiés de Jabaliya (nord). Des combats ont également été signalés dans les zones d’al-Maghazi et de Bureij, ainsi qu’à Khan Younès, grande ville du sud du territoire, devenue l’épicentre des opérations de l’armée israélienne.
Le Croissant-Rouge palestinien a aussi déclaré sur le réseau social X (anciennement Twitter) que ses locaux à Khan Younès avaient été visés par des frappes israéliennes. Selon le ministère de la Santé du Hamas, elles ont fait quatre morts, dont un nourrisson.
Dans l’hôpital Nasser de Khan Younès, Fathi al-Af se tient debout à côté d’un de ses enfants assis sur un brancard, les cheveux couverts de poussière grise.
“Nous étions dans les locaux du Croissant-Rouge, nous sommes des civils évacués de Gaza, nous avons fui la mort (…). Ils nous ont dit d’aller au Sud, que ce serait sûr, mais ce sont des menteurs”, déclare-t-il en pleurs à l’AFPTV.
La guerre a provoqué d’immenses destructions et un désastre humanitaire dans le territoire palestinien, où la famine menace et la plupart des hôpitaux hors service.
Les 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza — dont 85 % ont été déplacés selon l’ONU— sont confrontés à de graves pénuries de nourriture, d’eau, de carburant et de médicaments.
Malgré une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant l’acheminement de l’aide humanitaire, les camions d’aide entrent toujours au compte-gouttes.