L’Argentine engage la “Mère de toutes les batailles” pour redresser son économie

Un État qui dépense plus qu’il ne possède se met à coup sûr dans une situation indémêlable. C’est ainsi que Manuel Adorni, porte-parole de la présidence argentine, a décrit la réalité de son pays qui a décidé d’engager une grande croisade contre le déficit budgétaire pour redresser son économie.

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Javier Milei, le nouveau président argentin. Crédit: DR

Adorni n’a pas hésité à comparer la situation héritée du gouvernement précédent à celle d’un “patient admis en soins intensifs… sur le point de rendre l’âme”, mais “il y a une lumière au bout du chemin”, comme l’avait affirmé le nouveau président Javier Milei dans son discours d’investiture dimanche dernier.

C’est pour atteindre cette lumière que l’Argentine s’est engagée dans “la Mère de toutes les batailles” pour réduire le déficit budgétaire qui a généré la crise de l’endettement et la flambée de l’inflation.

Après l’annonce d’un paquet de mesures d’austérité par le ministre de l’Économie, Luis Caputo, portant notamment sur la dévaluation de la monnaie nationale d’environ 118 % et la suppression totale des subventions à l’énergie et au transport, le porte-parole a affirmé que ce paquet était “indispensable pour éviter la catastrophe”.

Ces mesures d’austérité ne sont que le point de départ pour une longue série de réformes structurelles de l’État qui dessineront les contours de la nouvelle Argentine. Le président a commencé par donner l’exemple avec son gouvernement en réduisant le nombre de ses membres de 18 à 9 ministres et celui des hauts fonctionnaires de plus de 50 %. Ce programme économique qualifié de “global” a pour objectif principal “d’atteindre un déficit budgétaire nul et de réaliser un excédent ou un équilibre des comptes publics”.

Lors de sa présentation en début de semaine d’un plan en dix points pour redresser la situation en Argentine, le ministre de l’Économie avait déclaré : “Si les Argentins étaient interrogés sur le plus grand problème auquel ils sont confrontés, ils répondraient que c’est la dette ou l’inflation ou le prix du dollar, mais plus de 95 % excluraient le déficit budgétaire, alors qu’en réalité, c’est la source du problème et la plus grande calamité” dans le pays.

Il est un fait que les Argentins ne se tournent vers la télévision que pour regarder les matches de football, mais le quotidien La Nacion a publié mercredi en Une, une photo de clients d’un café de Buenos Aires suivant avec beaucoup d’attention l’annonce des premières mesures d’austérité, dont la suppression des subventions à l’énergie et au transport, la fin des recrutements dans la fonction publique, la suspension des travaux d’infrastructure qui seront désormais confiés au secteur privé.

“Il n’y a plus d’argent.” C’est la phrase que le nouveau président ne cesse de répéter et que les responsables gouvernementaux répètent en chœur. L’austérité est sans doute le mot d’ordre de la prochaine étape afin “d’éviter la catastrophe”.

Le gouvernement affirme avoir hérité d’un taux de pauvreté élevé touchant presque la moitié de la population estimée à 46 millions d’habitants, et d’une inflation incontrôlée à hauteur de 160 % par an, en plus d’une dette publique accumulée de plus de 400 milliards de dollars, soit l’équivalent de 64 % du Produit intérieur brut (PIB).

Ces mesures d’austérité sévères annoncées par le nouveau gouvernement n’ont pas manqué de susciter des réactions mitigées en interne et un soutien explicite du Fonds monétaire international (FMI), qui prévoit un rétablissement imminent de la stabilité économique dans ce pays.

À ce propos, la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, a écrit sur X : “Je salue les mesures décisives annoncées par le Président @JMilei et son équipe économique pour relever les défis économiques majeurs de l’Argentine. Il s’agit d’une étape importante vers le rétablissement de la stabilité et la reconstitution du potentiel économique du pays.

Pour sa part, le nouveau maire de Buenos Aires, Jorge Macri, estime que le président Milei “prend des risques qui n’ont jamais été pris auparavant”, car, selon lui, l’Argentine ressemble désormais à un “navire qui prend l’eau et commence à couler lentement”.

Toutefois, l’opposition du centre-gauche a vivement réagi aux nouvelles mesures, accusant le ministre de l’Économie de mener un programme d’ajustement “cruel” et “sauvage” dès le début de son mandat.

D’autres dirigeants de l’opposition prévoient un fort impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat de la population et “les gens se rendront compte qu’ils vont payer pour l’ajustement” mis en œuvre par le nouveau gouvernement dans le but de réduire le déficit budgétaire.

Au sein de l’ancienne majorité au pouvoir jusqu’au 10 décembre courant, des dirigeants reconnaissent que la situation était “très fragile”, mais que les mesures prises par le ministre Caputo finiront par “dynamiter” la classe moyenne et par générer une spirale inflationniste.

La Confédération générale du travail (CGT), le plus important syndicat du pays, a comparé les mesures économiques du nouveau gouvernement à “un tsunami social total”. Elle a ajouté que ce plan d’austérité va accélérer la poussée inflationniste et détruire le pouvoir d’achat des citoyens, promettant de ne pas rester “les bras croisés”.

Le nouveau président de l’Argentine était certes conscient de l’ampleur des difficultés économiques de son pays. Il était aussi conscient que les traitements homéopathiques ne sont d’aucune utilité. Il a donc décidé de s’attaquer à la racine du mal et de procéder à un “traitement de choc”, quelles qu’en soient les conséquences.

Certains observateurs craignent que le choc ne soit très puissant et ne conduise à une nouvelle crise similaire à celle que l’Argentine a connue en 2001, tandis que d’autres se montrent plus optimistes et prévoient que l’Argentine va recouvrer sa prospérité d’antan.

(avec MAP)