Le nouveau président a été officiellement investi dimanche à midi en présence de plusieurs de ses pairs de la région et du roi d’Espagne Felipe VI. Quelques minutes plus tard, il prononçait un discours devant une foule rassemblée sur l’esplanade du Congrès, alors que tous ses prédécesseurs avaient prononcé leur discours d’investiture devant les députés. Tout un symbole.
Élu le 19 novembre dernier par 55,6 % des voix, au détriment du représentant de la majorité sortante Sergio Massa, Milei a annoncé de prime à bord son intention de mettre en œuvre des mesures choc pour réparer “le pire héritage” que jamais un président argentin n’avait reçu de son prédécesseur. Cet héritage pourrait être résumé en un seul mot qui cristallise le cauchemar que vivent les Argentins depuis plusieurs décennies : l’inflation, dont le taux officiel était de 142,7 % à fin octobre dernier.
“Pas d’autre alternative”
Le nouveau président argentin ne laisse aucun doute sur les temps difficiles qui approchent, mais il estime que les mesures drastiques qui seront mises en œuvre sont indispensables pour voir “une lumière au bout du chemin”.
“Décadence”, “déclin”, “bain de sang”. Milei n’a pas fait dans la demi-mesure pour dresser le bilan, selon lui catastrophique, qu’il devra prendre en charge sur les plans économique et sécuritaire. Pour lui, “il n’y a pas d’autre alternative que l’ajustement budgétaire et le choc”, refusant toute approche progressive dans le traitement des problèmes du pays.
Le président a reconnu que les premières mesures qu’il s’apprête à adopter “auront un impact négatif sur l’activité économique, l’emploi, le nombre de pauvres et d’indigents (…) Il y aura une stagflation”. Mais c’est selon lui le seul moyen pour “entamer la reconstruction de l’Argentine”.
Des coupes sévères dans les dépenses publiques ont été évoquées à trois reprises dans ce discours qui a duré 30 minutes. Mais le nouveau président a nuancé son propos en précisant que l’impact de ces coupes allait peser sur les services de l’État et non sur le secteur privé, estimant le coût de cet ajustement budgétaire à 5 points du Produit intérieur brut (PIB).
Économiste ultralibéral, Milei n’a jamais caché son aversion aux approches monétaires pour régler les problèmes économiques réels. Il a fustigé la politique d’émission monétaire suivie par le gouvernement sortant et qui a mis le pays “au bord de l’hyperinflation”. Il se donne “18 à 24 mois” pour inverser la vapeur de l’inflation.
Dans cette intervention aux contours d’un discours fondateur, Milei a proposé aux Argentins un “nouveau contrat social” pour entamer une “nouvelle ère en Argentine”, favorisée par la “volonté écrasante de changement” exprimée par les Argentins dans les urnes.
“Ce nouveau contrat social propose un pays différent, un pays dans lequel l’État ne gère pas nos vies, mais veille sur nos droits (…) Un pays dans lequel ceux qui bloquent les rues, en violant les droits de leurs concitoyens, ne recevront pas l’aide de la société”, a-t-il déclaré.
Dans un geste d’exercice de pouvoir hautement symbolique, le premier décret présidentiel qui porte le nom de Javier Milei a réduit de 18 à 9 le nombre des départements ministériels dans le but annoncé de dégraisser les appareils de l’État.
“Nous allons prendre toutes les décisions nécessaires pour régler le problème causé par 100 ans de prodigalité politique, même si le début sera difficile” et les conséquences douloureuses, a affirmé le nouveau président, qui ne laisse aucun doute sur sa détermination à appliquer rapidement ses promesses électorales.
L’ancien président Mauricio Macri (2015-2019), allié politique de taille du nouveau chef de l’État, a exprimé son soutien aux idées avancées par Milei. “Je ne changerai pas une virgule à son discours au Congrès”, a-t-il écrit sur le réseau social X.
Luis Majul, l’un des chroniqueurs politiques les plus écoutés dans le pays, a lui aussi estimé que Milei avait prononcé “le discours le plus dur, le plus brutal, le plus honnête et le plus sincère jamais entendu depuis 1983”, date de la fin de la dictature militaire et du retour de la démocratie en Argentine.
Du côté des hommes d’affaires, Marcos Galperin, PDG de Mercadolibre, un mastodonte du commerce électronique en Amérique latine qui pèse 5,3 milliards de dollars, a exprimé ses souhaits de succès au nouveau président pour “remettre l’Argentine sur la voie du travail, du progrès et de la génération de la richesse qui nous permettent de sortir de la décadence et de la pauvreté dans lesquelles le populisme nous a plongés”.
La franchise qui a marqué le discours inaugural de Milei en fait un discours fondateur dans la forme et dans le fond. Les chiffres effrayants et les adjectifs crus qui ont peuplé son discours augurent d’un changement radical dans la culture politique en Argentine. Pourra-t-il aller jusqu’au bout de son programme ? C’est l’évolution des rapports de force au Congrès et le baromètre de la patience des Argentins dans la rue qui en décideront.