Il aura fallu près de 4 ans d’attente et un changement à la tête du Conseil de la concurrence pour que l’instance sévisse contre les opérateurs pétroliers. Ces derniers se sont vu imposer, à titre de règlement transactionnel, “un montant global de 1,8 milliard de dirhams, pour l’ensemble des sociétés concernées et leur organisation professionnelle, ainsi que la souscription d’un ensemble d’engagements comportementaux auxquels ces sociétés ainsi que leur organisation professionnelle ont souscrit afin d’améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché des hydrocarbures à l’avenir, de prévenir les risques d’atteinte à la concurrence au bénéfice des consommateurs”, précise le Conseil dans un communiqué publié ce jeudi 23 novembre.
L’instance annonce par ailleurs que les engagements souscrits dans le cadre de cette procédure transactionnelle “revêtent un caractère obligatoire et le suivi de leur exécution sera assuré par les services du Conseil. Ils concernent la mise en place d’un programme de conformité au droit de la concurrence qui traduira l’engagement des sociétés exprimé au plus haut niveau de leur hiérarchie, à respecter les règles de la concurrence”.
Ce programme intégrera notamment une cartographie des risques concurrentiels au sein de ces sociétés, des systèmes d’alerte internes, ainsi que la désignation, par leurs instances dirigeantes, d’un responsable en interne chargé de la mise en place et du suivi du programme de conformité.
“En outre, et en vue de permettre au Conseil d’assurer le suivi du fonctionnement concurrentiel des marchés concernés, notamment en ce qui concerne la corrélation entre les prix de vente publics du gasoil et de l’essence et les cours internationaux de ces produits raffinés, lesdits engagements prévoient l’établissement et l’envoi d’un état détaillé permettant le suivi de l’activité d’approvisionnement, de stockage et de distribution du gasoil et de l’essence par chaque société”, explique le communiqué.
Ce reporting, qui s’étalera sur une période de trois années avec une remontée d’information trimestrielle, comprendra notamment les achats et ventes mensuelles aux stations réalisées par chaque société, ainsi que leurs niveaux de stocks en gasoil et essence.
“Les sociétés concernées se sont engagées, également, à changer leurs prix, autant que de besoin, en fonction de l’évolution de l’offre et de la demande sur le marché, et selon le cycle d’approvisionnement, les contraintes de stockage, et la politique commerciale propre à chaque société”, souligne l’instance avant d’ajouter que “ces sociétés veilleront également à ce que leur système de changement des prix donne directement aux stations-service indépendantes de leur réseau toute la latitude pour changer les prix de vente publics à leur niveau, immédiatement, à tout moment et sans homologation préalable”.
Repères :
12 mai 2017
TelQuel démontre que depuis la libéralisation des prix (décembre 2015), les pétroliers ont répercuté quasi immédiatement les hausses des cours du baril sur les prix à la pompe, sans faire systématiquement de même avec les baisses. Et leurs marges ont doublé entre 2015 et 2016.
7 août 2017
Une mission parlementaire menée par Abdellah Bouanou est mise en place pour enquêter sur les prix des hydrocarbures.
11 mai 2018
TelQuel révèle en exclusivité les détails du rapport établi par la mission parlementaire. Sur la base de ce rapport, nous estimions (au bas mot) à 13 milliards de dirhams les marges supplémentaires dégagées par les pétroliers entre 2015 et 2018. Le rapport ne parvient néanmoins pas à prouver une entente sur les prix.
17 novembre 2018
Driss Guerraoui est nommé président du Conseil de la concurrence. Ce dernier peut désormais prendre à bras-le-corps le dossier des hydrocarbures.
14 février 2019
Le Conseil de la concurrence livre un premier avis dans lequel l’instance ne recommande pas un plafonnement des prix, mais pointe un problème structurel du secteur : sa “structure monopolistique”.
22 juillet 2020
Le Conseil de la concurrence décide d’infliger une sanction pécuniaire aux pétroliers, qu’il juge coupables d’entente sur les prix. Dans le détail, l’instance prévoit une amende plus importante pour les trois principales entreprises du secteur (Total, Vivo Energy, Afriquia) que pour le reste des distributeurs. La décision est notifiée au Palais, mais…
27 juillet 2020
Le Conseil de la concurrence revient sur sa première décision et inflige la même sanction (8 % du chiffre d’affaires) à tous les acteurs du secteur. Mais la décision ne leur est pas notifiée et ne fait l’objet d’aucun communiqué. Elle est néanmoins notifiée au Palais.
28 juillet 2020
Le Palais intervient dans le dossier suite à une plainte des membres du Conseil qui contestent le processus de décision adopté par leur président. Une commission ad hoc est mise en place pour enquêter sur ce process. Driss Guerraoui est évincé de ses fonctions.
14 avril 2021
Ahmed Rahhou est nommé à la présidence du Conseil de la concurrence. Sa nomination fait suite à la soumission du rapport de la commission ad hoc.
24 mars 2022
L’Exécutif adopte un projet de loi sur le Conseil de la concurrence, prenant en compte les conclusions de la commission ad hoc et les recommandations du Conseil. Le texte devrait notamment permettre au Conseil de rouvrir le dossier des hydrocarbures.