Dans le sud, 28 bébés prématurés évacués la veille de l’hôpital al-Chifa, pris d’assaut le 15 novembre par l’armée israélienne, sont arrivés lundi en Egypte, a annoncé l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Alignés sur des civières, tous coiffés du même bonnet vert et recouverts de couvertures, les bébés ont été transportés dans des ambulances du Croissant-rouge palestinien équipées de couveuses, qui ont traversé le poste-frontière de Rafah.
Au total, 31 bébés avaient pu sortir du plus grand hôpital de la bande de Gaza, situé dans le nord, décrit par l’OMS comme une « zone de mort » et où huit nourrissons étaient morts avant leur transfert, selon un responsable palestinien.
L’hôpital al-Chifa, qui abritait selon Israël un repaire du Hamas au coeur de la ville de Gaza, est privé d’électricité et la pénurie de carburant dans le territoire palestinien assiégé empêche notamment les couveuses de fonctionner.
Dans le nord du territoire, où se concentre l’essentiel de l’offensive israélienne, une frappe a tué lundi au moins « 12 patients et leurs proches » et fait « des dizaines de blessés » dans l’hôpital indonésien, situé en bordure du grand camp de réfugiés de Jabaliya, selon le ministère de la Santé du Hamas.
« Environ 700 malades et soignants » se trouvent dans cet hôpital « assiégé » par l’armée israélienne, a ajouté le porte-parole du ministère, disant redouter « qu’il s’y passe la même chose qu’à al-Chifa ».
Le gouvernement du Hamas a affirmé que des dizaines de chars et de blindés déployés aux abords de l’hôpital tiraient à la mitrailleuse et à l’artillerie sur l’établissement.
Guerre contre les hôpitaux
Le mouvement islamiste ne cesse de répéter qu’Israël mène « une guerre contre les hôpitaux » de Gaza, dont la quasi-totalité dans le nord du territoire ne fonctionnent plus. Plusieurs hôpitaux ont été visés par les frappes depuis le début de la guerre le 7 octobre, suscitant la réprobation d’une partie de la communauté internationale.
Israël accuse de son côté le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, de se servir des hôpitaux à des fins militaires et d’utiliser les civils qui s’y trouvent comme des « boucliers humains », ce que le mouvement palestinien dément.
En Israël, 1.200 personnes, en grande majorité des civils, ont été tuées, selon les autorités, dans l’attaque lancée le 7 octobre par des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza, d’une ampleur et d’une violence jamais vues dans l’histoire du pays.
Selon l’armée, 67 soldats israéliens ont été tués à Gaza depuis le début de la guerre.
En représailles à l’attaque qui a traumatisé le pays, Israël a juré d’« anéantir » le Hamas, classé organisation terroriste par les Etats-Unis, l’Union européenne et Israël, et pilonne sans relâche le territoire palestinien, où son armée mène depuis le 27 octobre une offensive terrestre.
Dans la bande de Gaza, 13.000 personnes ont été tuées dans les bombardements israéliens, dont plus de 5.500 enfants, selon le gouvernement du Hamas.
L’armée israélienne estime qu’environ 240 personnes prises en otage par le Hamas ont été emmenées à Gaza.
Médiation qatarie
Le Qatar, qui mène une médiation pour tenter d’obtenir leur libération en échange d’une trêve, a affirmé dimanche qu’il ne restait que des obstacles « très mineurs » en vue d’un accord.
Ces avancées n’ont été confirmées ni par le Hamas ni par Israël où le gouvernement refuse jusqu’ici tout cessez-le-feu sans libération des otages. Les proches des personnes enlevées vont rencontrer lundi soir l’ensemble du cabinet de guerre.
Israël a annoncé lundi « étendre ses opérations dans de nouveaux quartiers de la bande de Gaza », notamment dans le secteur de Jabaliya, aux portes de la ville de Gaza.
Dans le centre de cette ville, les tirs d’artillerie et les frappes aériennes ont détruit de nombreuses maisons. Des médecins à l’hôpital Ahli Arab ont dit à l’AFP avoir reçu « des dizaines » de morts et de blessés, arrivés de diverses localités du nord du territoire.
L’armée, qui continue à fouiller chaque recoin de l’hôpital al-Chifa, a dit avoir découvert dans cet immense complexe un tunnel long de 55 mètres et creusé à 10 mètres de profondeur contenant des « lance-grenades, des explosifs et des kalachnikov ».
Environ 2.300 personnes selon l’ONU étaient restés bloquées pendant des jours dans cet hôpital cerné par les combats, privées d’eau et d’électricité, avant d’être évacuées samedi pour la plupart d’entre elles.
Selon l’OMS, al-Chifa hébergeait encore dimanche 20 soignants et plus de 250 patients incapables de se déplacer sans assistance médicale.
L’ONU a réclamé plusieurs fois la livraison en urgence de carburant, afin notamment d’alimenter les générateurs nécessaires au fonctionnement des hôpitaux.
A la demande des Etats-Unis, Israël a accepté vendredi de laisser entrer du carburant dans le territoire, où environ 120.000 litres sont arrivés samedi, selon l’ONU qui estime ces livraisons insuffisantes.
Près de 1,7 million de déplacés
D’après l’ONU, près de 1,7 million des 2,4 millions d’habitants ont été déplacés par la guerre dans la bande de Gaza, soumise depuis le 9 octobre à un « siège complet » par Israël, qui bloque les livraisons de nourriture, d’eau, d’électricité et de médicaments.
Des centaines de milliers de déplacés s’entassent dans le sud, qui n’est pas épargné non plus par les bombardements, où le froid s’installe.
Dans la grande ville de Khan Younès, certains s’abritent de la pluie sous des tentes de fortune alignées sur un parking boueux proche de l’hôpital Nasser, selon des images tournées par l’AFP.
« La situation dans les abris est intenable », a affirmé l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).
« Les égouts vont continuer à se déverser dans les rues car le fuel que nous pouvons fournir ne permet de faire fonctionner les pompes qu’à 55 pour cent de leur capacité », a raconté Thomas White, le directeur pour Gaza de l’Unrwa.
Lundi, un premier hôpital de campagne venu de Jordanie est arrivé dans la bande de Gaza pour être installé à Khan Younès.
Des habitants de la ville voisine de Rafah fouillaient lundi les décombres de leur quartier dévasté après un bombardement sur un immeuble habité, selon des images de l’AFP. Certains récupéraient quelques vêtements pendant que d’autres chargeaient dans un camion les dépouilles des victimes, enveloppées dans des draps blancs, pour les enterrer.
« Nous dormions à la maison et nous sommes venus voir ce qui s’était passé après avoir entendu un grand boum. Nous avons trouvé des bâtiments réduits à l’état de ruines », a témoigné un habitant du quartier, Shehda Mosallem.
Dimanche soir, Médecins sans frontières (MSF) a indiqué que 122 patients étaient arrivés en « quelques minutes » à l’hôpital Nasser, après une frappe israélienne à environ un kilomètre de là. Soixante-dix d’entre eux étaient morts à leur arrivée et des dizaines d’autres blessés, souffrant notamment de graves brûlures.
Dans le service des grands brûlés, submergé, où travaille MSF, les chirurgiens opèrent une dizaine de patients par jour, selon l’ONG, mais des centaines d’autres doivent attendre pour être opérés.