Tunisie : le Parlement examine une loi inédite pour punir toute normalisation avec Israël

Le Parlement tunisien a entamé, ce jeudi 2 novembre, des débats autour d’un projet de loi qui considère comme un crime et punit d’une peine de prison, pouvant aller jusqu’à la perpétuité, toute normalisation avec Israël. Un texte inédit pour la région.

Par

Des tunisiens manifestent pour la cause palestinienne. Crédit: DR

Nous confirmons qu’il y a une harmonie complète entre la position du président, celle du Parlement et les aspirations de l’opinion publique”, a déclaré le président du Parlement, Brahim Bouderbala, à l’ouverture d’une séance plénière de l’Assemblée des représentants du peuple (chambre basse) devant examiner le texte.

“Nous sommes fermement convaincus que la Palestine doit être libérée du fleuve à la mer, que la patrie entière doit être restaurée et que l’État palestinien doit être établi avec la Sainte Jérusalem comme capitale”, a-t-il ensuite ajouté.

Le président tunisien Kaïs Saïed a qualifié de “haute trahison” toute normalisation avec Israël, se défendant de tout antisémitisme.Crédit: AFP

Le projet de loi comprend six articles et a été élaboré par des députés partisans du président Kaïs Saïed, qui a révisé la Constitution pour établir un régime ultra-présidentiel après un coup de force à l’été 2021. Ces dernières semaines, des milliers de Tunisiens ont manifesté en soutien aux Palestiniens, Saïed dénonçant une “situation inacceptable” dans la bande de Gaza. Il a qualifié de “haute trahison” toute normalisation avec Israël, se défendant de tout antisémitisme.

La Tunisie, qui a accueilli l’Organisation de la Libération de la Palestine à l’époque de Yasser Arafat, entre 1982 et 1994, soutient depuis toujours la cause palestinienne. Le texte débattu par les députés définit la “normalisation” comme “la reconnaissance de l’entité sioniste ou l’établissement de relations directes ou indirectes” avec Israël.

à lire aussi

Il prévoit une peine de 6 à 12 ans de prison pour “haute trahison” pour quiconque commet “le crime de normalisation” et la réclusion à perpétuité en cas de récidive. Cette loi interdit “tous les actes intentionnels impliquant la communication, le contact, la propagande, la conclusion de contrats ou la coopération, directement ou indirectement, par des personnes physiques ou morales de nationalité tunisienne avec toutes les personnes physiques et morales, affiliées à l’entité sioniste”.

Toute interaction est interdite aussi aux Tunisiens avec “les individus, les institutions, les organisations, les entités gouvernementales ou non gouvernementales” liés à Israël, “à l’exception des Palestiniens de l’intérieur”.

“Participer à des activités, événements, manifestations, réunions, expositions, compétitions, qu’elles soient politiques, économiques, scientifiques, culturelles, artistiques ou sportives, se déroulant sur le territoire occupé ou contrôlé” par Israël est également prohibé.

Dans son discours, Bouderbala a pointé du doigt une “approbation de l’Occident et principalement des États-Unis et de nombreux pays européens” à “l’un des plus grands crimes commis contre l’humanité : le meurtre, la destruction et l’utilisation d’armes interdites au niveau international”.

Malgré un consensus sur le texte parmi les environ 160 députés, le Parlement ne devrait pas voter immédiatement cette loi. Le ministre des Affaires étrangères Nabil Ammar a estimé mercredi soir dans une interview sur la chaîne de télévision Wataniya qu’“il faut du temps pour exprimer un avis sur ce projet”, avant de s’interroger : “Chaque loi doit être étudiée pour déterminer ses répercussions. Nous ne pouvons pas promulguer une loi en deux jours. Qui criminalisons-nous ? Nous n’avons aucune relation avec l’entité sioniste, alors qu’est-ce que nous criminalisons ?”