Déjà intéressée par le Mondial-2030 aux côtés de l’Égypte et de la Grèce — une candidature abandonnée pour laisser place à une formule tricontinentale inédite (Espagne-Portugal-Maroc avec trois matchs en Amérique du Sud) —, l’Arabie saoudite s’était reportée sur l’édition 2034 le 4 octobre dernier, sitôt la procédure lancée.
Rotation continentale oblige, la FIFA n’avait “invité” à postuler que les pays membres des confédérations asiatique et océanienne — écartant donc les terres historiques de football. Des 22 éditions passées du tournoi masculin, aucune ne s’est tenue en Océanie et deux seulement en Asie : celle de 2002 entre Japon et Corée du Sud, et le Mondial-2022 au Qatar.
L’Indonésie avait un temps envisagé un dossier conjoint avec l’Australie, avant de se rallier le 19 octobre à l’offre saoudienne en reportant ses ambitions sur l’après-2034. Quant à l’Australie, candidate malheureuse aux éditions 2018 et 2022, elle a jeté à son tour l’éponge ce mardi.
Formellement, il ne s’agit pour l’heure que de recenser les “déclarations d’intérêt” pour 2030 et 2034, avant dépôt des dossiers complets et évaluation par la FIFA. Et “si les exigences sont respectées”, les 211 pays membres de l’instance éliront les hôtes par deux Congrès distincts en fin d’année prochaine.
Superpuissance du sport mondial
Mais l’absence de concurrence ne laisse guère de place au suspense, et la voie paraît dégagée pour que l’Arabie saoudite s’impose un peu plus comme une superpuissance du sport mondial, elle qui a multiplié les investissements dans le football, mais aussi la Formule 1, le golf, l’équitation ou la boxe.
Loin d’être une constellation d’initiatives privées, cette politique émane directement du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui entend transformer son royaume en un pays d’affaires et de tourisme pour réduire sa dépendance aux revenus du pétrole et, selon ses détracteurs, détourner l’attention internationale de ses violations des droits humains.
Côté grandes compétitions, le pays se prépare déjà à accueillir la prochaine Coupe du monde des clubs de la FIFA (12-22 décembre) puis la Coupe d’Asie 2027 de football et, de manière plus inattendue et largement décriée, les Jeux asiatiques d’hiver 2029 dans son complexe futuriste en chantier de Neom.
Mais en décrochant le tournoi le plus populaire au monde, le royaume saoudien fait mieux que répondre au voisin et rival qatari, hôte surprise du Mondial 2022.
Car il ne s’agira plus d’accueillir 32 sélections nationales, mais 48, à partir de l’édition 2026 partagée entre États-Unis, Canada et Mexique, soit un menu gargantuesque de 104 rencontres nécessitant “un minimum de 14 stades” de 40.000 à 80.000 places assises et au moins “72 camps de base”, détaille la FIFA.
L’Arabie saoudite, qui a déjà dépensé tous azimuts cette année pour recruter une pléiade de stars du ballon rond, de Cristiano Ronaldo à Karim Benzema, va devoir encore accélérer pour devenir le premier pays à accueillir seul la nouvelle formule de la compétition.
Droits humains et environnement, les points noirs
Si sa capacité financière ne fait guère de doute, les interrogations portent surtout sur la compatibilité d’une telle désignation avec les engagements de la FIFA à “respecter les droits de l’homme internationalement reconnus” dans ses compétitions.
Ce critère, tout comme la durabilité environnementale, figure certes dans la procédure d’attribution et sera examiné par la FIFA, dans un rapport publié l’an prochain. Mais que pèsera cette évaluation ?
“Avec une seule candidature pour chaque édition, la FIFA a peut-être marqué un but contre son camp”, déplore Steve Cockburn, d’Amnesty International, dans un communiqué commun de l’organisation Sports and Rights Alliance, regroupant ONG, syndicats et représentants des supporters et des joueurs.
Dans un texte distinct, Human Rights Watch a appelé l’instance mondiale à “différer” l’attribution du Mondial-2034, estimant qu’elle avait “échoué” à mener une procédure “éthique, transparente, objective et impartiale”.
“Avec environ 13,4 millions de travailleurs migrants en Arabie saoudite, des protections inadéquates en matière de travail et de santé, l’absence de syndicats, d’observateurs indépendants des droits de l’homme et de liberté de la presse, il y a toutes les raisons de craindre pour la vie de ceux qui construiront et entretiendront les stades, les transports, les hôtels et les autres infrastructures d’accueil”, a détaillé Minky Worden, directrice des initiatives mondiales de l’organisation.