La guerre à Gaza pourrait provoquer “un double choc” sur le marché mondial des matières premières

L’escalade du conflit au Moyen-Orient — qui s’ajoute aux perturbations causées par l’invasion russe de l’Ukraine — pourrait pousser les marchés mondiaux des matières premières dans des eaux inconnues, selon le dernier rapport de la Banque mondiale intitulé Commodity Markets Outlook.

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AFP

Selon les prévisions de base de la Banque mondiale, les prix du pétrole devraient s’établir en moyenne à 90 dollars le baril au cours du trimestre actuel, avant de retomber à 81 dollars le baril en moyenne l’année prochaine, en raison du ralentissement de la croissance économique mondiale.

Dans l’ensemble, les prix des produits de base devraient baisser de 4,1 % l’année prochaine. Les prix des matières premières agricoles devraient également diminuer en raison de l’augmentation de l’offre. Les prix des métaux de base devraient quant à eux baisser de 5 % en 2024, et les prix des matières premières devraient se stabiliser en 2025.

D’après la Banque mondiale, les effets du conflit sur les marchés mondiaux des matières premières ont été limités jusqu’à présent. Dans l’ensemble, seuls les prix du pétrole ont augmenté d’environ 6 % depuis le début du conflit. Les prix des produits agricoles, de la plupart des métaux et d’autres produits de base ont à peine bougé.

Trois scenarii envisageables

Les perspectives d’évolution des prix des produits de base s’assombriraient rapidement en cas d’escalade du conflit. Pour détailler la situation, le rapport décrit ce qui pourrait se produire selon trois scénarios de risque basés sur l’expérience historique depuis les années 1970.

Dans le cas d’une “petite perturbation”, l’offre mondiale de pétrole serait réduite de 500.000 à 2 millions de barils par jour, ce qui équivaut à peu près à la réduction observée lors de la guerre civile en Libye en 2011. Dans ce scénario, le prix du pétrole augmenterait dans un premier temps de 3 à 13 % par rapport à la moyenne du trimestre en cours, pour atteindre une fourchette de 93 à 102 dollars le baril.

Dans le cas d’une “perturbation moyenne” — à peu près équivalente à la guerre d’Irak en 2003 — l’offre mondiale de pétrole serait réduite de 3 à 5 millions de barils par jour. Les prix du pétrole augmenteraient alors de 21 % à 35 % dans un premier temps, pour se situer entre 109 et 121 dollars le baril.

Dans le cas d’une “grande perturbation” — comparable à l’embargo arabe sur le pétrole en 1973 — l’offre mondiale de pétrole serait réduite de 6 à 8 millions de barils par jour. Les prix augmenteraient alors de 56 % à 75 % dans un premier temps, pour se situer entre 140 et 157 dollars le baril.

L’inflation au tournant

“Le dernier conflit au Moyen-Orient survient après le plus grand choc subi par les marchés des matières premières depuis les années 1970, à savoir la guerre de la Russie contre l’Ukraine”, a déclaré Indermit Gill, économiste en chef et premier vice-président de la Banque mondiale pour l’économie du développement. “Cela a eu des effets perturbateurs sur l’économie mondiale qui persistent encore aujourd’hui. Les décideurs politiques devront être vigilants. Si le conflit devait s’aggraver, l’économie mondiale serait confrontée à un double choc énergétique pour la première fois depuis des décennies, non seulement à cause de la guerre en Ukraine, mais aussi à cause du Moyen-Orient”, a-t-il ajouté.

D’après Ayhan Kose, économiste en chef adjoint de la Banque mondiale et directeur du Groupe des perspectives, “la hausse des prix du pétrole, si elle se maintient, se traduit inévitablement par une hausse des prix des denrées alimentaires (…) Si un choc pétrolier sévère se matérialise, il augmentera l’inflation des prix des denrées alimentaires qui est déjà élevée dans de nombreux pays en développement. À la fin de 2022, plus de 700 millions de personnes étaient sous-alimentées. Une escalade du dernier conflit intensifierait l’insécurité alimentaire, non seulement dans la région, mais aussi dans le monde entier.”

Un monde paré aux chocs

Selon le rapport, depuis la crise énergétique des années 1970, les pays du monde entier ont renforcé leurs défenses contre de tels chocs, réduisant leur dépendance à l’égard du pétrole, tout en diversifiant leur base d’exportateurs de pétrole et en élargissant leurs ressources énergétiques, y compris les sources renouvelables. Certains pays auraient alors constitué des réserves stratégiques de pétrole, mis en place des dispositifs de coordination de l’offre et développé des marchés à terme pour atténuer l’impact des pénuries de pétrole sur les prix. Un ensemble d’améliorations qui laissent penser qu’une escalade du conflit pourrait avoir des effets plus modérés que par le passé.

Si le conflit s’aggrave, la Banque mondiale recommande aux responsables politiques des pays en développement de prendre des mesures pour gérer une augmentation potentielle de l’inflation globale. Compte tenu du risque d’aggravation de l’insécurité alimentaire, les gouvernements devraient éviter les restrictions commerciales telles que les interdictions d’exportation de denrées alimentaires et d’engrais.

Elle recommande également de ne pas introduire des contrôles et des subventions des prix en réponse à la hausse des prix des denrées alimentaires et du pétrole, soulignant qu’il est préférable d’améliorer les filets de sécurité sociale, de diversifier les sources de nourriture et d’accroître l’efficacité de la production et du commerce des denrées alimentaires.

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