Le dispositif de sauvetage est toujours en cours dans les provinces touchées par le séisme d’Al Haouz qui a fait, selon un dernier bilan provisoire, 2901 morts et 5530 blessés. Quatre pays ont pour l’instant reçu l’aval des autorités marocaines pour déployer l’aide technique et humanitaire proposée : l’Espagne, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni. Pas la France.
Un silence du Maroc vécu comme un “affront” par les autorités et les médias de l’Hexagone. Insistance du président Emmanuel Macron lors de ses discours en marge du G20, titres de presse offensifs, caricatures et débats télévisés consternés… l’incompréhension monte de l’autre côté de la Méditerranée, alors que le Maroc compte encore ses morts.
Pour autant, de nombreux politiques français proches du Maroc ont pris la parole pour éteindre cette polémique qu’ils jugent futile et indécente au vu du drame en cours.
“Condescendance de Macron”
C’est le cas du député européen Rassemblement national (RN) Thierry Mariani, qui a tweeté son soutien dimanche 10 septembre en rappelant l’efficacité du Maroc dans la gestion de la crise du Covid.
📹 Certains devraient arrêter de faire preuve de condescendance envers le Maroc.
Ce n’est pas un pays sous-développé, au contraire, c’est l’une des puissances africaines majeures.
Ainsi,le #Maroc a été plus rapide que la France pour réagir face à la crise du #Covid. @franceinfo pic.twitter.com/gNgbYkmquS— Thierry MARIANI (@ThierryMARIANI) September 11, 2023
“Ce que de nombreux Français oublient, c’est que le Maroc est désormais un État développé”
“Ce que de nombreux Français oublient, c’est que le Maroc est désormais un État développé. Nous ne sommes plus dans les années 1950, et ceux qui pensent que le monde entier les attend pour les sauver devraient se rappeler que la crise du Covid-19 a été gérée bien mieux qu’en France, en grande partie grâce à une certaine centralisation du pouvoir et un système monarchique”, explique-t-il à TelQuel.
Et l’élu de poursuivre : “Dans une catastrophe de cette ampleur, la première étape essentielle consiste à établir un diagnostic avant de dépêcher des centaines de camions sur les routes, risquant des collisions et autres problèmes. Actuellement, il semble y avoir une certaine condescendance et incompréhension en France, assorties d’un sentiment de démesure, avec la question sous-jacente : pourquoi ne veulent-ils pas de notre aide ?”
Outre les réactions de la presse et d’une certaine partie de l’opinion française, c’est l’attitude même du président Macron qui fait grincer des dents du côté de la droite française. Contacté par TelQuel, Pierre-Henri Dumont, député Les Républicains (LR) du Pas-de-Calais et secrétaire général adjoint du parti, exprime son agacement : “C’est toujours la même chose avec Emmanuel Macron, c’est lui le problème. Il néglige depuis le début de son mandat la relation franco-marocaine, et encore aujourd’hui avec une attitude condescendante. Nous sommes évidemment aux côtés de nos amis marocains et la France se tient prête à aider, mais lorsque le Maroc le décidera.”
Et le responsable LR de fustiger le timing indécent des reproches sous-jacents faits au Maroc concernant l’aide proposée par la France : “Il y a encore des victimes sous les décombres, des secours sont actifs sur place, la décence voudrait d’éviter les polémiques.”
Même son de cloche du côté de Thierry Mariani : “Les relations internationales sont faites de tensions et de réconciliation et aujourd’hui, je pense que les relations franco-marocaines payent l’arrogance et la suffisance de Macron. Ce qu’il oublie c’est que le Maroc est un Etat souverain, indépendant, et une puissance émergente et l’un des Etats solides en Afrique.”
Et l’élu RN de poursuivre : “S’il arrivait une catastrophe en France, on demanderait aussi à faire un diagnostic avant que le monde entier nous envoie des camions et de l’aide. Ça, Macron a du mal à le comprendre, et même une partie des Français puisque la presse leur explique que c’est presque un affront qu’on fait à la France.”
Argument technique marocain
De son côté, l’ancien Premier ministre français Dominique de Villepin, en plus d’exprimer sa profonde amitié pour “le peuple marocain”, a expliqué sur le plateau de France 2, lors d’une édition spéciale lundi 11 septembre, que “l’argument (…) mis en avant par les autorités marocaines est un argument sérieux, l’argument technique qui consiste à faire en sorte que la planification des aides puisse en garantir l’efficacité”.
Le natif de Rabat rappelle que “les villages (sont) très difficilement accessibles, pour ne pas dire inaccessibles dans certains cas, quand les routes sont effondrées” .“Un embouteillage d’aides n’aurait pas permis d’apporter davantage, mais aurait été au contraire contre-productif. Donc je crois que c’est un argument très sérieux. Il faut planifier, organiser dans le temps pour s’assurer que tout cela sera efficace”, estime-t-il.
Interrogé par la suite au micro de France Info, Dominique de Villepin a invité à “dépasser les susceptibilités qui pourraient s’exprimer”. “Il est important pour la France de mettre son drapeau dans sa poche, de mettre sa susceptibilité dans sa poche et de faire en sorte que l’aide française puisse être acheminée par tous les moyens possibles et en particulier par des canaux privés ou par un canal européen”, a-t-il déclaré lundi.
Pour le chef de file de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, lui natif de Tanger, “le Maroc est un peuple souverain, avec des femmes et des hommes hautement qualifiés, qui ont une expertise. Ils ont accepté, dans les offres qui leur étaient présentées, celles qui correspondaient à leurs urgences. Les Français seront appelés le moment venu”.
L’homme politique français, qui a pris part à l’émission spéciale consacrée au séisme par la chaîne du service public France 2 lundi 11 septembre a ainsi déclaré : “Le Maroc a des techniciens de très haut niveau, ils savent s’organiser. Le roi connaît son affaire et ils se sont immédiatement mis au travail pour savoir comment prendre l’aide. J’étais un peu choqué de voir qu’on était là à dire ‘Comment ? Vous ne voulez pas de notre aide ?’ alors qu’il faut quand même laisser aux gens le temps de s’organiser, sinon c’est la cohue. Les Marocains ont une expertise et savent ce qu’il ne faut pas faire, à savoir accueillir tout le monde d’un coup.”
Damage control
Une polémique qui dérange également du côté de la majorité présidentielle, qui tente de rappeler que les médias ne portent pas la parole des officiels français. La députée Renaissance et vice-présidente du groupe d’amitié France-Maroc à l’Assemblée nationale Nadia Hai insiste auprès de TelQuel sur ce point : “Il y a une divergence totale de point de vue entre la diplomatie et le traitement d’une certaine presse”.
“Il y a une divergence totale de point de vue entre la diplomatie et le traitement d’une certaine presse”
“Je me suis exprimée pour rappeler la position de la France, qui est que le Maroc est un pays souverain dans la réponse qu’il fait à ce drame, et que la France continuera de se tenir prête à intervenir lorsque le Maroc le jugera utile”, ajoute-t-elle.
La députée tient également à souligner “l’incompréhension (de la majorité, ndlr) face à ce traitement médiatique” : “On a l’impression, lorsque l’on voit certains débats ou commentateurs TV, qu’ils représentent la position de la diplomatie française, or ça n’est absolument pas le cas. Ce qui se passe, c’est du grand n’importe quoi et nous, au sein de la majorité, sommes exaspérés par cela.”
Pour la vice-présidente du groupe d’amitié, l’heure est à l’action et non aux polémiques : “L’urgence est aujourd’hui de venir en aide aux Marocains, quelle que soit la forme que cette aide puisse prendre : associations, ONG, envoi de volontaires comme cela s’est fait avec des pompiers lyonnais.”
Et Nadia Hai de conclure : “Les Français sont extrêmement peinés par cette catastrophe qui touche le Maroc, mais ce drame, c’est le pays et personne d’autre qui le vit. Le gouvernement marocain est en première ligne et réagit avec expertise. Il faut aujourd’hui mettre les égos, pour ceux qui en ont, de côté.”
