L’armée dit avoir perpétré son putsch mercredi parce que les résultats proclamant Ali Bongo réélu avaient été truqués et que son régime était marqué par une “gouvernance irresponsable et imprévisible” ainsi que par la corruption.
Bongo est en résidence surveillée à Libreville depuis le coup d’État du général Brice Oligui Nguema. Sylvia Bongo, son épouse franco-gabonaise, est également détenue au secret, ont indiqué ses avocats vendredi en annonçant avoir déposé une plainte en France pour détention arbitraire.
Le général Oligui, chef de la toute puissante garde prétorienne de la famille Bongo qui dirigeait le pays depuis 55 ans, continue d’ignorer les exigences de l’opposition, à trois jours de sa prestation de serment en tant que “président de la transition”. Assurant avoir remporté la présidentielle du 26 août, l’opposition exhorte les militaires putschistes à remettre le pouvoir à son candidat, Albert Ondo Ossa.
Le général poursuivait en revanche vendredi à un rythme effréné les rencontres entamées la veille avec les “forces vives de la Nation”.
Lors d’un discours retransmis vendredi par les télévisions d’État, il a sermonné la veille plus de 200 chefs d’entreprises gabonaises en accusant certains d’avoir participé à la corruption.
Il a menacé de procédures judiciaires les chefs d’entreprises gabonaises dont il semblait accuser bon nombre d’avoir participé, par le biais de “surfacturations”, parfois systématiques, à la corruption au sommet du pouvoir.
Le regard noir, il leur a reproché collectivement un manque “d’engagement et de patriotisme”, les a sommés de “se remettre en cause” et de “stopper ces manœuvres” quant à la pratique répandue de la “surfacturation” dans les contrats avec l’État ou le secteur public. Lesquels donnaient lieu ensuite à des rétrocommissions à de hauts responsables de l’État.
Après les leaders religieux, les chefs d’entreprises et les représentants de la “société civile”, il a convié les représentants des bailleurs de fonds étrangers et des organisations internationales et ceux du corps diplomatique de Libreville.
Des chancelleries de pays ou organisations ayant condamné le coup d’État ont indiqué à l’AFP n’avoir pas dépêché leur numéro un, mais des diplomates de rangs moins élevés. Rien n’avait filtré de cette réunion vendredi en fin d’après-midi.
Au même moment, les télévisions publiques passaient en boucle des images montrant l’un des fils du président déchu, Noureddin Bongo Valentin, et d’autres jeunes proches de lui “et de la Première Dame”, hauts responsables du cabinet de Bongo, tous arrêtés le jour du putsch.
Ils sont montrés à l’envi et interrogés par ces chaînes publiques devant des malles, cartons et sacs débordant de liasses de billets de banque pour des “milliards de francs CFA” (millions d’euros).
Les putschistes les accusent — Noureddin Bongo inclus — de “haute trahison”, “détournements massifs de deniers publics” et “falsification de la signature” du chef de l’État.
À Paris vendredi, les avocats de Sylvia Bongo ont déposé plainte pour “détention arbitraire” de l’ex-Première dame et d’un autre de ses fils, Jalil. “Elle est retenue dans un endroit indéterminé au Gabon”, a assuré à l’AFP à Paris Me François Zimeray. Les avocats “exigent” l’autorisation de “visites” de membres du Consulat général de France à Libreville.
Sylvia Bongo et son fils Noureddin étaient régulièrement les cibles, ces dernières années, d’accusations de l’opposition, de la société civile et de médias locaux affirmant que, depuis un grave AVC en 2018, Ali Bongo était très affaibli et “manipulé” par certains de ses “proches”.
Ali Bongo avait été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans et constituait l’un des piliers de la “Françafrique”, puis réélu difficilement en 2016, dans un scrutin que l’opposition dénonçait déjà comme truqué.