[Étude] Valeurs, sexualité, préoccupations... qui sont les jeunes marocains ?

Le cabinet d’études Sunergia s’est intéressé, à l’occasion de la Fête de la jeunesse, aux tendances comportementales des jeunes marocains, mais aussi aux problèmes auxquels ils font face et à leurs ambitions professionnelles. Les détails.

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Le cabinet d'études Sunergia a rendu public une enquête concernant les jeunes marocains ainsi que leur état d'esprit, le 21 août 2023. Crédit: DR

Il est parfois difficile de cerner les jeunes, tant leur mentalité évolue vite et de façon imprévisible. C’est ce à quoi se sont attelés le cabinet d’études Sunergia et le média L’Économiste dans une enquête rendue publique ce lundi 21 août. Le but de cette étude est de mieux comprendre “leurs valeurs, leurs préoccupations ainsi que leur positionnement sur différents enjeux sociétaux”.

Pour ce faire, près de 1636 jeunes de 15 à 30 ans ont été interrogés et leurs réponses ont permis aux sondeurs de dresser quatre archétypes auxquels ils semblent s’apparenter.

1. Les jeunes en construction

Le groupe majoritaire est celui des jeunes en construction. Ils représentent 30 % des interrogés et sont des adolescents de 15-16 ans, des périurbains et de catégorie socioprofessionnelle C-, D et E. Ils sont dépeints comme étant paisibles, voire pacifistes (“peace”), et ultra connectés.

D’après l’enquête, les jeunes hommes veulent une femme sexy, mais voilée et surtout vierge pour se marier, et semblent tolérer la polygamie pour les hommes

Leurs réponses indiquent qu’ils se soutiennent mutuellement et affirment n’avoir jamais consommé de drogues/cigarettes.

Comme pour nombre de Marocains, leurs profils présentent quelques contradictions, notamment concernant leurs relations avec leur moitié. D’après l’enquête, les jeunes hommes veulent une femme sexy, mais voilée et surtout vierge pour se marier, et semblent tolérer la polygamie (pour eux). Pour eux, pas de mariage avant d’atteindre la trentaine, le temps d’obtenir une situation financière satisfaisante.

2. Les ambitieux

Viennent ensuite les “ambitieux” qui comptent pour 26 % des sondés. Plutôt “sobres”, ils seraient majoritairement issus des régions du Sud et parlent berbère, arabe ou anglais, ils ont quasiment tous une certaine fibre entrepreneuriale et préfèrent créer leur propre entreprise ou travailler dans une firme étrangère. D’ailleurs, ceux d’entre eux qui sont déjà en situation professionnelle se disent “très heureux”.

Pas à une contradiction près, les “ambitieux” (26% des sondés) se mettraient bien en couple sans mariage, tout en étant favorables à la pénalisation des relations sexuelles hors mariage.Crédit: Fadel Senna / AFP

Chez cette catégorie aussi, l’étude relève quelques contradictions : ils se mettraient bien en couple sans mariage, tout en étant favorables à la pénalisation des relations sexuelles hors mariage, à l’hébergement de couples non mariés à l’hôtel, et exigent la virginité comme condition sine qua non pour l’union sacrée.

3. Les laissés-pour-compte

Autre catégorie qui représente 26 % des interrogés : les laissés-pour-compte, des jeunes vivant dans des situations précaires, en crise financière et sans emploi. Pour la plupart, ces jeunes sont toujours sous l’aile de leurs parents et leur objectif premier est d’avoir un travail qui paye bien pour leur rendre la pareille.

Contrairement aux autres groupes dressés par l’étude, il s’agit de ceux qui sont totalement insatisfaits par la politique, et qui votent le plus, ce qui pourrait s’expliquer par le fait qu’ils font partie des plus touchés par les inégalités.

Tous disent avoir consommé toutes les formes de substances toxiques telles que la cigarette, la chicha, l’alcool, le cannabis et autres drogues dures, et consomment régulièrement cigarette, alcool et cannabis”, indique l’enquête qui fait également savoir que malgré leur grand optimisme quant à leur avenir, ils n’ont qu’un rêve : quitter le Maroc.

4. L’intelligentsia Marock’aine

Enfin, comptant pour 15 %, ce que l’enquête décrit comme “l’intelligentsia Marock’aine”, en référence au film Marock de Leïla Marrakchi, est l’archétype le moins représenté au niveau des sondés. “Des jeunes adultes d’un autre monde”, décrit-on, les qualifiant même de “nés avec une cuillère d’argent dans la bouche”.

Il s’agirait d’épicuriens qui aiment voyager, sortir et faire la fête et qui avouent consommer alcool, drogues douces et cigarettes. Il s’agirait du groupe le plus tolérant. Dans ce sens, ils seraient contre la pénalisation de l’homosexualité ou de l’avortement, ainsi que des relations sexuelles hors mariage.

La plupart d’entre eux souhaitent être en couple, mais ne pas se marier dans l’immédiat, et il n’est pas question pour eux de parler de polygamie ni de virginité des femmes comme conditions indispensables pour le mariage.

En termes de médias, ils sont “aussi ultra connectés que leurs cadets”. En revanche, ils n’ont aucune connexion avec les politiques ni même avec la société marocaine, à laquelle ils ont du mal à s’identifier.

Ce qui semble unir ces différents archétypes est la volonté de se retrouver dans un Maroc plus juste et plus équitable.

Études : le hic

D’après l’enquête, 56% des interrogés souffrent de complications dans leurs études, surtout les étudiants du supérieur. D’autre part, 25% d’entre eux disent présenter des difficultés d’apprentissage.

Pour la majorité des sondés, la principale complication est due au manque d’engagement de leurs professeurs. De ce fait, près de 44 % des jeunes rêvent de poursuivre leurs études à l’étranger, qu’ils soient déjà étudiants ou encore au lycée. Pour eux, une telle expérience permettrait une meilleure qualité d’enseignement, et ainsi l’obtention de diplômes plus valorisés sur le marché du travail.

Cela représente aussi à leurs yeux une opportunité d’indépendance et de découverte de nouvelles cultures, plus “tolérantes”. En ce qui concerne leurs destinations de choix, la France et Canada ressortent majoritairement, avant les États-Unis et l’Espagne.

Emploi : le grand débat

Interrogés sur leur satisfaction vis-à-vis de leurs emplois, 32 % (34 % des femmes contre 31 % des hommes) des sondés ont indiqué être “tout à fait contents”, contre 9 % (7 % des femmes contre 10 % des hommes) pour qui ce n’est “pas du tout” le cas. Il est toutefois à noter que cinq sur dix des “tout à fait contents” travaillent dans une entreprise appartenant à leur famille et 37 % ont des contrats à durée indéterminée.

34 % de la génération Z se déclarent “tout à fait contents”, tandis que 39 % optent pour la catégorie “plutôt oui”. Bien que ces chiffres soient légèrement supérieurs à ceux de la génération Y, l’écart n’est pas significatif.

Malgré le fait que 7 jeunes sondés sur 10 affirment être globalement satisfaits de leur emploi, ils ne cachent pas leurs multiples déceptions accompagnant leur entrée dans le monde du travail. Pour près de 80 % d’entre eux, elle serait essentiellement due à des salaires insuffisants, et au stress pour près de 40 %.

De là naît la grande tendance qui se dégage de l’enquête concernant les jeunes et l’emploi : le travail indépendant. En effet, le salariat n’est plus vu comme le seul modèle viable. Tous profils confondus, le statut d’auto-entrepreneur attirerait 32 % des jeunes, le secteur public en séduirait 29 %, alors que l’entreprise privée n’est citée que par 20 % des interrogés.

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