Surpopulation carcérale : la présidence du Ministère public tient à apporter des éclaircissements

La présidence du Ministère public a affirmé, mercredi dans un communiqué, qu'elle s'emploie sans relâche à traiter la question de la détention et à interagir avec la situation des établissements pénitentiaires, dont certains connaissent une surpopulation, en orientant le travail des parquets par le biais de circulaires, de réunions avec leurs responsables et de sessions de formation.

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El Hassan Daki, président du ministère public. Crédit: DR

Ce communiqué fait suite à celui diffusé le 7 août par la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) qui a soulevé la question de la situation des établissements pénitentiaires et de la hausse de la population carcérale, avec ce que cela engendre comme surpopulation à cause de la hausse des taux de détention.

Dans le cadre du droit d’accès à l’information consacré par la Constitution et la loi, la présidence du Ministère public tient, à cet égard, à faire part à l’opinion publique de certains éclaircissements sur les facteurs et contraintes qui influent sur le nombre des pensionnaires des établissements pénitentiaires.

Ainsi, précise la même source, l’évolution qualitative, ces dernières années, de la criminalité aussi bien sur le plan de la gravité des actes commis que des moyens utilisés ou la nature de leurs auteurs, surtout les récidivistes, avec leurs conséquences sur la quiétude du citoyen et la société, a contraint les parties chargées de l’application de la loi à faire face à tous ces phénomènes en vue d’assurer la sécurité des personnes et de préserver leurs biens.

Dans ce contexte, les services de sûreté et la police judiciaire déploient et continuent toujours à consentir des efforts inlassables face aux hors-la-loi en vue de les appréhender et de les déférer devant les parquets compétents, ajoute le communiqué, notant que leur nombre s’est établi, durant le premier semestre de 2023, à 309.259 personnes poursuivies, dans leur grande majorité, pour trafic de drogues, hooliganisme et crimes financiers en rapport avec la lutte contre la prévarication financière ou encore l’agression des personnes dans le cadre de bandes criminelles, les vols qualifiés et autres crimes graves.

Les efforts considérables déployés par les services de la police judiciaire, toutes catégories confondues, dans le cadre de leur contribution à la lutte contre l’impunité et à l’arrestation des fugitifs, ont permis l’interpellation, au cours du premier semestre de 2023, de 162.545 personnes faisant l’objet d’avis de recherche nationaux, qui ont été déférées devant les parquets compétents pour prendre les dispositions juridiques qui s’imposent à leur encontre, poursuit-on.

Il en était également le cas pour un ensemble de personnes faisant l’objet d’ordonnances de contrainte par corps pour non paiement des amendes, des dettes publiques ou privées qui leur étaient dues conformément à la Loi. « Il ne fait aucun doute donc que ces facteurs ont contribué à augmenter la population carcérale des établissements pénitentiaires », estime la présidence du Ministère public.

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Le nombre de personnes en détention préventive dans les établissements pénitentiaires a connu jusqu’en juillet 2023 une baisse qui s’est établie à 39% contre 40% au cours de la même période de l’année précédente et contrairement aux taux enregistrés à partir de 2010 qui variaient entre 38% et 47%. Ce pourcentage avait atteint 43% en 2010 et 47% en 2011, ce qui démontre que la gestion de la détention suit l’évolution de la criminalité.

Si les pourcentages enregistrés concernant les taux de détention préventive ne sont pas à la hauteur des objectifs de la présidence du Ministère public, malgré les efforts consentis dans ce cadre, ils restent néanmoins acceptables par rapport aux taux de détention préventive dans certains pays de l’Union Européenne, selon les chiffres publiés par le Conseil de l’Europe au cours de l’année 2022, notamment les Pays-Bas (45,2%), la Belgique (38,4%), la France (28,5%), l’Italie (31,5%), le Danemark (41,3%) et le Luxembourg (43,3%), fait remarquer le communiqué.

Malgré la baisse du taux de détention au cours du premier semestre de cette année et les efforts déployés par les parquets concernant la rationalisation de la détention préventive, différents acteurs au sein de la société n’ont cessé, à travers de nombreux supports, y compris les réseaux sociaux et autres, d’appeler à l’activation du mécanisme de détention pour dissuader les auteurs de crimes mineurs, au lieu de les poursuivre en état de liberté, étant convaincus que la justice et la répression ne peuvent être efficaces qu’à travers la détention et des sentences privatives de liberté.

Néanmoins, les magistrats du Ministère public demeurent attachés à l’application stricte de la loi et ne se trouvent aucunement influencés par ce qui a été évoqué, car ils tendent, au titre du principe d’adaptation, à rationaliser la gestion de la procédure de détention pour la majorité des personnes déférées devant eux, ce qui est également le cas des juges d’instruction dans le cadre de leur pouvoir discrétionnaire et de leur indépendance.

S’agissant de la population carcérale en 2022, la même source indique que 30% d’entre elle est incarcérée pour trafic de drogues, 31% pour crimes financiers et 30% pour agressions graves contre des personnes (homicide, constitution de bandes criminelles, usage d’armes blanches etc.)

Et le communiqué de faire savoir que les affaires pénales dans les tribunaux représentent près de 62% du total des affaires en cours devant ces juridictions, expliquant que les juges déploient d’énormes efforts pour les traiter dans des délais raisonnables malgré les contraintes liées aux aspects juridique et factuel, en particulier la question de la notification, comme en témoigne le taux des affaires pénales jugées en 2022 (87%), ce qui fait que le nombre des jugements rendus par chaque juge dépasse les 2.000 en raison du manque des magistrats en général, sachant que cette moyenne dépasse celle enregistrée dans certains pays.

« Partant de ce fait, l’adoption de manière excessive d’une attitude flexible, en maintenant dans un état de liberté des personnes impliquées dans certains crimes dangereux, aura des conséquences graves sur la sécurité aussi bien de la société que des individus« , soutient la Présidence.

Tout en affirmant l’importance du contenu du communiqué de la DGAPR au sujet du diagnostic de la situation des établissements pénitentiaires et l’appel à trouver, dans les plus brefs délais, des solutions à la problématique de la surpopulation carcérale pour éviter les retombées qui y sont mentionnées, la présidence du Ministère public affirme qu’elle continuera d’assurer son rôle en matière d’encadrement et de sensibilisation de ses juges afin de prendre les mesures requises, conformément aux dispositions de la loi, ainsi que de fournir davantage d’efforts, dans la mesure du possible, pour rationaliser la détention préventive, dans la perspective d’atteindre les objectifs escomptés.

Partageant également avec la DGAPR son inquiétude à propos de cette situation telle que rapportée dans le communiqué de la Délégation, au vu de son impact négatif sur les conditions d’incarcération et la bonne gestion des établissements pénitentiaires, la présidence du Ministère public tient à saluer les efforts de la Délégation en faveur de l’amélioration des conditions de ces pensionnaires ainsi que la bonne gestion des établissements pénitentiaires et toutes les bonnes initiatives dédiées à la réinsertion des détenus.

(avec MAP)