Les putschistes ont dénoncé, ce jeudi 3 août, “les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec la France”, ex-puissance coloniale dont un contingent militaire de 1500 soldats est déployé au Niger pour la lutte antiterroriste dans ce pays miné par les violences jihadistes.
Paris a affirmé vendredi que seules “les autorités nigériennes légitimes” avaient le pouvoir de revenir sur ces accords. Ces autorités “sont les seules que la France, comme l’ensemble de la communauté internationale, reconnaît”, a souligné le ministère français des Affaires étrangères.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, une délégation de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cedeao), conduite par l’ex-président nigérian Abdulsalami Abubakar, est repartie de Niamey au bout de quelques heures.
Si les émissaires n’ont pas rencontré le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani, ni le président renversé Mohamed Bazoum, ils se sont entretenus à l’aéroport avec des militaires putschistes et ont évoqué “les dernières propositions de sortie de crise de la Cedeao”, selon le quotidien gouvernemental nigérien Le Sahel.
Le gouvernement allemand a appelé, ce vendredi 4 août à poursuivre les “efforts de médiation” pour trouver une issue politique et éviter toute intervention armée.
Au Bénin, pays voisin du Niger, le ministre des Affaires étrangères Olushegun Adjadi Bakari a souhaité que la diplomatie reste “la solution privilégiée”, tout en affirmant que son pays suivrait la Cedeao si elle décidait d’intervenir au Niger.
Sanctions des voisins ouest-africains
Le 30 juillet, le bloc ouest-africain, qui a imposé de lourdes sanctions à Niamey, a donné jusqu’à dimanche aux putschistes pour rétablir dans ses fonctions le président Bazoum renversé le 26 juillet, sous peine de d’utiliser “la force”.
Une réunion des chefs d’état-major de la Cedeao doit s’achever ce vendredi après-midi à Abuja, alors que plusieurs armées ouest-africaines, dont celle du Sénégal, se disent prêtes à envoyer des soldats si une intervention militaire était décidée.
“Il est peu probable que l’intervention de forces extra-régionales puisse améliorer la situation”, a déclaré à Moscou le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, tout en appelant au “retour rapide à l’ordre constitutionnel” au Niger.
Les putschistes qui ont promis une “riposte immédiate” à “toute agression” d’un pays de la Cedeao, ont par ailleurs annoncé la levée du couvre-feu instauré depuis le 26 juillet.
Vendredi matin, une centaine de manifestants originaires de plusieurs pays ouest-africains se sont réunis à Niamey pour protester contre toute intervention militaire au Niger. À Tahoua (dans l’ouest du pays), des centaines de personnes se sont rassemblées “pour apporter un soutien indéfectible au président de la République Mohamed Bazoum et exiger sa libération sans conditions”, selon un journaliste local sur place.
Le président Bazoum s’est exprimé jeudi, dans une tribune publiée par le quotidien américain Washington Post. Il a mis en garde contre les conséquences “dévastatrices” du coup d’État pour le monde et le Sahel, qui pourrait passer, selon lui, sous l’“influence” de la Russie par le biais du groupe paramilitaire Wagner.
“J’appelle le gouvernement américain et l’ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l’ordre constitutionnel”, écrit-il, “à titre d’otage”, dans cette déclaration.
Rejet de Paris
Outre la dénonciation des accords militaires, l’ambassadrice nigérienne à Paris a été limogée par les putschistes, tout comme les représentants du Niger aux États-Unis, au Togo et au Nigeria.
L’ambassadrice à Paris, Aïchatou Boulama Kané, a affirmé vendredi à l’AFP “être toujours” l’ambassadrice “du président légitime Mohamed Bazoum”, ajoutant qu’elle rejetait “comme nulle et non avenue” la décision des putschistes.
Jeudi, les programmes de Radio France Internationale (RFI) et de la chaîne de télévision d’information France 24 ont été interrompus au Niger. La France a condamné “très fermement” cette décision, ainsi que l’Union européenne vendredi matin. RFI et France 24 sont déjà suspendus au Burkina Faso et au Mali voisins, où les militaires nigériens au pouvoir ont envoyé des délégations mercredi.
Des incidents dimanche lors d’une manifestation devant l’ambassade de France à Niamey ont entraîné l’évacuation mardi et mercredi de 577 Français.
Enfin, après la France et l’Allemagne, les Pays-Bas ont annoncé ce vendredi la suspension de leur aide au développement et de leur coopération directe avec le Niger.