Ce n’est pas à la justice d’éteindre une révolte”, lance le syndicat dans un communiqué, en réaction aux violences urbaines qui secouent la France, depuis mardi dernier, après la mort d’un jeune par un tir policier à bout portant à Nanterre.
“Hier laxiste, endoctrinée, politisée, accusée de tous les maux, la justice serait donc de nouveau parée de ses vertus pacificatrices ?’’ s’interroge le syndicat, estimant que la rhétorique du ‘respect du travail de la justice’, “servie ad nauseam par le gouvernement, le chef de l’État, certains syndicats de police et tous les détracteurs habituels de l’indépendance de la justice ne sert qu’un objectif : celui de ne pas regarder en face la question systémique que soulève, une fois encore, la mort d’un adolescent d’un quartier populaire sous les balles de la police”.
Comment ne pas analyser cette soudaine déférence à l’égard de la justice comme une instrumentalisation et une lamentable dérobade ? se demande-t-on, soulevant qu’au-delà de la question du traitement judiciaire de l’affaire, la question que pose la mort d’un adolescent tué par un policier après un refus d’obtempérer est “bel et bien politique”.
Si l’institution judiciaire doit, entre autres, cultiver chaque jour son indépendance, y compris à l’égard de la police et combattre – et non se laisser emporter – par ce réflexe de criminalisation des victimes complaisamment relayé par certains médias, “elle ne peut rien, ou si peu, contre un discours politique délétère qui nie l’existence même des violences policières ou des pratiques discriminatoires des forces de l’ordre”.
Le Syndicat demande ainsi l’abrogation de l’alinéa 4 de l’article L.435-1 du code de la sécurité intérieure, qui permet l’usage des armes en cas de refus d’obtempérer, relevant que la hausse “terrifiante” des morts et blessés par des tirs policiers dans le cadre de contrôles routiers sont autant de preuves “tragiques d’une insécurité grandissante pour les citoyens dans leurs relations avec la police”.
Il demande aussi l’inscription dans la loi du principe d’un dépaysement de toute enquête sur des violences policières et dans l’attente que ce dépaysement soit obligatoire, qu’il soit systématiquement décidé par les procureurs généraux.
Comment un magistrat, procureur ou juge d’instruction, qui travaille au quotidien avec les policiers de son ressort et leur hiérarchie peut-il rester impartial lorsqu’il doit enquêter sur l’un d’eux ? s’interroge le syndicat de la magistrature, qui appelle aussi à la création d’un service d’enquête indépendant et à des réformes profondes dans les pratiques policières et judiciaires, “seule voie pour restaurer la confiance des citoyens dans leur police et leur justice”.
Vendredi, l’ONU a demandé à la France de se pencher sérieusement sur les problèmes de racisme et de discrimination raciale au sein de ses forces de l’ordre, trois jours après la mort du jeune Nahel. “C’est le moment pour le pays de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre”, a déclaré la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme, lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève.
Le même jour, la Confédération syndicale internationale (CSI) a accusé la France de “brutalités policières” et d’“arrestations aveugles” lors des manifestations contre la très décriée réforme des retraites.
Les manifestations contre le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite “ont donné lieu à des brutalités policières, des arrestations aveugles et des attaques au gaz lacrymogène”, souligne la CSI dans la dernière édition de son Indice des droits dans le monde, finalisée avant les récentes émeutes urbaines déclenchées en France en réaction à la mort du jeune Nahel.
Le rapport pointe aussi des arrestations et des détentions jugées “arbitraires” entre avril 2022 et mars 2023 en France, ainsi que des atteintes aux libertés et aux droits fondamentaux et des violences policières.
En mai dernier, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU avait rappelé la France à l’ordre concernant la situation des droits de l’homme dans le pays, pointant notamment des attaques contre les migrants, le profilage racial, des violences policières et un usage excessif de la force par les autorités lors des manifestations.
Quelques jours auparavant, la Ligue française des droits de l’homme (LDH) a dénoncé un “tournant autoritaire” en France et un “mépris” de la démocratie parlementaire et sociale, qui s’étend désormais aux droits fondamentaux.