Emmanuel Macron recadré par le président kényan sur une nouvelle fiscalité mondiale

En marge du Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, qui s'est tenu les 22 et 23 juin, le président français Emmanuel Macron s'est fait sérieusement recadrer par William Ruto, le président kényan, sur la mise en place d'un nouveau pacte financier pour lequel plaide le locataire de l’Élysée. La vidéo est devenue virale.

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AFP

Ce sont à peine quelques minutes d’échanges devenues virales. Le Palais Brognart à Paris, qui accueillait du 22 au 23 juin le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, a été le théâtre d’une passe d’armes entre le président français Emmanuel Macron et son homologue du Kenya, William Ruto. Un duel verbal qui semble avoir tourné à l’avantage du second.

Organisé à l’initiative du président français, le Sommet de Paris s’était ouvert en présence d’une quarantaine de chefs d’Etats de pays riches, des grands émergents comme le Saoudien Mohamed Ben Salmane, le Brésilien Lula Da Silva, ou encore de pays vulnérables comme le Sénégalais Macky Sall. La réunion a aussi fait la place à des dirigeants d’institutions nationales ou internationales comme la présidente du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, la secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen ou encore le président de la Banque mondiale, Ajay Banga.

Avec l’objectif de dégager de nouvelles ressources de financements, cette réunion au sommet a été l’occasion pour Emmanuel Macron de plaider pour « un choc de financement public » dès l’ouverture du sommet à Paris. Objectif : jeter les bases d’un nouveau pacte financier mondial pour aider les pays les plus vulnérables au changement climatique.

« Aidez-nous à aller chercher tous les pays qui aujourd’hui n’ont pas de taxes sur les transactions financières et qui aujourd’hui n’ont pas de taxation sur les billets d’avion. Aidez-nous à mobiliser à l’Organisation maritime internationale en juillet pour qu’il y ait une taxation internationale. La taxation internationale dans un seul pays, ça ne marche pas », a fait savoir Emmanuel Macron à nos confrères de France 24, reprenant des éléments de son plaidoyer pour une taxation internationale.

C’est justement sur ce dernier point que le président français va sérieusement se faire recadrer par William Ruto dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. « (…) Dans la configuration actuelle, les impôts payés par le Kenya ou la France sont des enjeux nationaux. Nous avons besoin d’un système de transaction financière. Les impôts sont à un niveau mondial où même des pays comme le Kenya payent, nous ne voulons rien gratuitement. Vous finirez par payer plus parce que vous avez une plus grande économie. Nous paierons proportionnellement à notre économie et nous voulons que ces ressources ne soient pas contrôlées ni par le FMI ni par la Banque mondiale, car le FMI et la Banque mondiale, vous avez le dernier mot », a répondu William Ruto, le président du Kenya.

« Nous n’avons pas le droit de dire que nous voulons une autre organisation équitable où vous avez autant votre mot à dire parce que vous payez autant que nous parce que nous payons aussi. C’est l’organisation que nous recherchons, et c’est pourquoi nous disons que nous avons besoin d’une nouvelle architecture financière où la gouvernance, où le pouvoir n’est pas entre les mains de quelques personnes. On peut se mettre d’accord sur la gouvernance de l’institution, on peut se mettre d’accord sur le partage du pouvoir pour que nous ayons tous accès aux ressources qui vont assurer, en premier lieu, les énergies renouvelables », a-t-il précisé reprenant une idée qui a traversé les travaux du forum et qui plaide pour une refonte des institutions de Bretton Woods afin de prendre en compte les exigences des pays émergents.

Cette sortie de William Ruto entre en droite ligne avec l’intervention du président brésilien Lula Da Silva qui a été plus virulente lors de sa prise de parole. « Ceux qui ont réellement pollué la planète pendant les deux cents dernières années sont ceux qui ont fait la révolution industrielle. C’est pour cela qu’ils doivent payer la dette historique qu’ils ont envers la planète », avait répliqué Lula à la veille de l’ouverture du sommet.

Au-delà des formules et des petites phrases, les sorties de William Ruto et de Lula Da Silva confortent l’idée d’un positionnement de la France de plus en plus contestée sur les grandes questions mondiales. Elles s’inscrivent aussi dans le sillage de ces dirigeants africains décomplexés qui disent parfois leurs désaccords avec l’ancien puissance coloniale. Un mouvement qui s’est accéléré ces dernières années au Congo, au Gabon, au Mali, en Centrafrique ou encore au Burkina Faso.