Le calendrier électoral en Espagne a eu des répercussions jusque dans son voisinage immédiat. Alors que les élections législatives anticipées sont prévues le 23 juillet prochain, elles pourraient porter au pouvoir le Parti populaire mené par Alberto Núñez Feijóo et peut-être même porter un sérieux coup au récent rapprochement entre Rabat et Madrid.
Dernier épisode en date, le gouvernement espagnol aurait décidé de suspendre les négociations entamées depuis le 22 mars dernier avec Rabat pour une gestion concertée de l’espace aérien du Sahara, rapporte El Confidencial, citant des sources diplomatiques. Cette suspension s’explique par la proximité des élections législatives anticipées, selon la même source qui précise que le roi Mohammed VI aurait été informé de la décision espagnole.
Rétropédalage du gouvernement Sanchez ou durcissement pour contrer l’opposition ? En difficulté sur le front interne après la défaite de son parti aux municipales et régionales, Pedro Sanchez a convoqué des législatives anticipées. Le Chef du gouvernement espagnol a été l’artisan du rapprochement Madrid-Rabat après avoir mis fin à une crise provoquée par l’affaire Brahim Ghali, le chef du Polisario que l’Espagne avait secrètement reçu pour des soins. Ce rapprochement accéléré avec Rabat est vivement critiqué dans les milieux politiques et militaires où l’on estime qu’il est « unilatéral » et de la seule volonté de Pedro Sanchez.
Pour l’heure, on ne sait pas si son principal rival, Alberto Núñez Feijóo remettrait en cause la bonne entente entre les deux voisins. Mais la perspective effraie à Rabat où l’on fait remarquer que le chef du parti populaire a fait une déclaration publique dans laquelle il indiquait vouloir soigner les relations entre l’Espagne et l’Algérie. Au détriment du Maroc ?
Toujours est-il que si elle venait à se confirmer, la suspension des négociations maroco-espagnoles viendrait porter un coup ce sujet de souveraineté. Inscrite au point 7 de la déclaration conjointe publiée à l’occasion de la visite à Rabat de Pedro Sanhez, le 7 novembre 2022 à l’invitation du roi Mohammed VI, la promesse d’ouverture de “discussions concernant la gestion des espaces aériens” avait été scellée avec la réconciliation après une longue crise diplomatique.
Si Enaire, une agence rattachée au ministère des Transports, a établi avec l’Office national des aéroports du royaume (ONDA) des accords établissant une “coordination pour le transfert d’aéronefs entre les espaces aériens de responsabilité, tels qu’ils existent avec les différents espaces aériens voisins”, elle reste l’administratrice de fait de l’espace aérien du Sahara.
Il faut noter que l’attribution de la gestion d’un espace aérien appelé région d’information de vol (FIR) est dévolue depuis 1944 à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Depuis la colonisation espagnole, la FIR des Canaries, codifiée sous l’acronyme GCCC est le couloir d’entrée des vols à destination de l’Amérique latine et de l’Europe.
La GCC couvre bien sûr les Canaries, mais aussi une grande partie du Sahara (une portion étant administrée par la FIR Dakar au Sénégal). Couvrant une superficie de 1,5 million de kilomètres carrés, la FIR des Canaries est placée sous administration d’Enaire, le gestionnaire de la navigation aérienne en Espagne.
« Les pourparlers avec le Maroc dans ce domaine ont débuté conformément au point 7 de la déclaration conjointe du 7 avril 2022. Ceux-ci se limitent à la gestion des espaces aériens et à la coordination entre les deux parties afin de parvenir à une plus grande sécurité dans les liaisons et à une coopération technique”, avait répondu en avril dernier, le gouvernement espagnol à TelQuel, reprenant de sa réponse écrite aux députés et sénateurs espagnols irrités par les négociations.
“Il y a effectivement une asymétrie dans la compréhension des informations et des termes utilisés de part et d’autre. Ce qu’on présente d’un côté comme des discussions pour renforcer la sécurité de la navigation aérienne dans toute la région est compris de l’autre côté comme un transfert total et définitif. Il ne s’agit en réalité que d’une coordination avec toutes les institutions concernées par la question”, avait expliqué une source diplomatique espagnole contactée par TelQuel.
Cette dernière laissait entendre que les négociations engagées entre le Maroc et l’Espagne devaient conduire à terme à une gestion concertée de l’ensemble de l’espace aérien en s’appuyant sur les accords qui lient déjà Enaire à l’ONDA.