L'UE propose à la Tunisie un “partenariat renforcé” sans en mentionner les conditions

L'Union européenne (UE) a proposé, dimanche 11 juin, à la Tunisie un "partenariat renforcé" assorti de promesses d'aides financières, sans mentionner de conditions politiques à son soutien à ce pays étranglé par les dettes et incontournable sur le dossier migratoire.

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L'Union européenne a proposé à la Tunisie un "partenariat renforcé" assorti de promesses d'aides financières, sans mentionner de conditions politiques, le 11 juin 2023. Crédit: Twitter - @Vonderleyen

Il est de notre intérêt commun de renforcer notre relation et d’investir dans la stabilité et la prospérité (de la Tunisie), c’est pour cela que nous sommes là », a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, venue à Tunis en compagnie des Premiers ministres d’Italie, Giorgia Meloni, et des Pays-Bas, Mark Rutte.

Après une entrevue avec le président Kais Saied, la responsable a annoncé l’intention de Bruxelles d’apporter au pays « une assistance macro-financière qui pourrait atteindre 900 millions d’euros ». Sur son site, la Commission a précisé qu’il s’agirait d’un nouveau prêt européen qui « ferait suite » à l’octroi par le FMI d’un crédit en cours de négociations de 2 milliards de dollars.

Bruxelles « pourrait fournir une aide supplémentaire de 150 millions d’euros à injecter dès maintenant dans le budget » tunisien, a ajouté Von der Leyen.

Ces aides entrent dans le cadre d’un « package en cinq points » dont Von der Leyen espère qu’il fera l’objet d’un accord bilatéral, d’ici la fin juin et le prochain sommet européen.

L’Europe, « premier partenaire commercial et premier investisseur », a « soutenu le parcours de la Tunisie dans la démocratie depuis 2011 (et la Révolution qui a renversé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali, ndlr), une route longue et difficile », a souligné la dirigeante européenne, sans évoquer l’actuelle crise politique dans le pays.

Le président Saied, qui s’est octroyé tous les pouvoirs à l’été 2021, est accusé de « dérive autoritaire » et d’avoir fait régresser les droits et libertés par l’opposition et des ONG. Depuis début février, une vingtaine d’opposants ont été emprisonnés sous l’accusation de « complot contre la sécurité de l’Etat ». Selon Amnesty International, ils font l’objet « d’une chasse aux sorcières ».

Andrea Cellino, un analyste de l’Institut suisse du Moyen-Orient MEIS à Genève, a déploré l’attitude européenne : « quid des réformes et de la restauration du parcours démocratique ? Ca ressemble à de ‘l’argent en échange de rien' ».

Ces derniers mois, l’Europe n’a pas caché sa préoccupation pour le pays maghrébin. Le chef de la diplomatie Josep Borrell évoquait même un « risque d’effondrement ».

Etranglée financièrement par une dette de 80 % de son PIB, la Tunisie fait face à des pénuries récurrentes de denrées, comme la farine et le riz, achetés par l’Etat.

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Elle négocie depuis des mois avec le FMI mais les discussions achoppent sur le refus du président Saied de réformes incluant une restructuration de la centaine d’entreprises publiques lourdement endettées et la levée de certaines subventions étatiques sur les produits de base.

Ainsi, le programme proposé par l’UE prévoit un renforcement des investissements en Tunisie, en particulier dans le numérique et les énergies renouvelables, mais aussi une extension à la Tunisie du programme européen d’échanges d’étudiants Erasmus.

L’un des volets importants du « package » européen concerne la lutte contre le « business cynique » de l’immigration clandestine, pour laquelle l’UE fournira « cette année à la Tunisie 100 millions d’euros pour le contrôle de ses frontières, la recherche et sauvetage » de migrants, a indiqué Ursula Von der Leyen.

Meloni, dont c’était le deuxième voyage en cinq jours en Tunisie, s’est dite « satisfaite » de la démarche européenne qui propose « un vrai partenariat pour affronter la crise migratoire et la question du développement » tunisien.

L’Italie, dont les côtes se trouvent à moins de 150 km de la rive sud de la Méditerranée, s’inquiète d’une nouvelle accélération des arrivées de migrants en provenance de Tunisie. Meloni a dit avoir évoqué avec Saied « la tenue prochaine d’une conférence internationale sur les migrations » à Rome.

Selon les dernières statistiques du HCR, 51.215 migrants ont débarqué clandestinement en Italie depuis le début de l’année (+154 % sur un an), dont plus de 26.000 de Tunisie et près d’un millier ont péri ou disparu dans des naufrages.