Soigné à l’hôpital San Raffaele de Milan pour une leucémie, il y était entré vendredi 9 juin après y avoir déjà effectué de multiples séjours. Selon les médias italiens, il ne répondait plus ces derniers temps au traitement anti-cancéreux.
Le parcours de cet éternel revenant, dont la mort politique fut maintes fois annoncée à tort et encore élu sénateur en 2022, se confond avec l’histoire italienne des 30 dernières années.
C’était l’un des hommes les plus riches de la péninsule, avec une fortune évaluée début avril à 6,4 milliards d’euros par Forbes.
Scandales en série
Adoré ou détesté, l’amateur assumé de femmes beaucoup plus jeunes que lui, y compris des call-girls, s’était retrouvé empêtré dans une myriade de procès liés à ses tristement célèbres et sulfureuses soirées « Bunga Bunga ».
A l’étranger, Berlusconi, habitué à promettre tout et son contraire, est surtout connu pour la ribambelle de scandales dans lesquels il a été impliqué, ses gaffes devenues légendaires, ses procès à répétition et ses coups d’éclat diplomatiques.
Allié encombrant de la cheffe du gouvernement d’extrême droite Giorgia Meloni, il l’a plusieurs fois mise dans l’embarras avec ses déclarations russophiles après l’invasion de l’Ukraine. En effet, l’ami personnel de Vladimir Poutine, qu’il a reçu dans sa méga-villa en Sardaigne, a plusieurs fois rejeté la responsabilité du conflit sur Kiev.
Si lui restait populaire chez une partie des Italiens, son parti Forza Italia, une machine à gagner les élections qu’il avait fondée en 1994, a suivi son lent déclin, passant de presque 30 % des voix aux législatives de 2001 à 8 % en 2022.
Côté scandales, Berlusconi devait encore répondre d’accusations dans le procès dit du « Rubygate », du nom d’une mineure invitée aux soirées « Bunga Bunga » et d’abord présentée faussement comme une nièce du président égyptien Hosni Moubarak. Acquitté pour prostitution de mineure, Berlusconi était encore en procès pour subornation de témoin dans un volet de cette affaire.
L’octogénaire, dont la dernière compagne Marta Fascina était de 53 ans sa cadette, avait encore fait scandale en décembre 2022 quand il avait promis à ses joueurs du Monza d’amener « dans le vestiaire » un « car de putes » en cas de victoire.
Au fil des ans, le sourire carnassier du « caïman », l’un de ses nombreux surnoms, s’était toutefois figé sur son visage lifté au maquillage « épais comme le parquet », expression cruelle ciselée par un éditorialiste.
Ascension fulgurante
Né le 29 septembre 1936, fils d’un employé de banque milanais, Berlusconi commence à travailler comme animateur sur des bateaux de croisière, où il chantait et racontait des histoires drôles. Armé d’une licence de droit, il se lance dans les affaires, entamant une irrésistible ascension qui soulève des interrogations quant à l’origine de sa fortune, sur laquelle il est toujours resté flou.
Après avoir débuté son ascension à Milan dans le BTP, l’entrepreneur doté d’un bagout à toute épreuve s’était lancé avec succès dans la télévision, inventant la TV paillettes des années 1980 qui fera sa fortune, lui permettant entre autres d’investir dans des clubs de foot, d’abord l’AC Milan puis l’AC Monza.
C’est surtout dans le secteur de la télévision que s’exprime le génie créatif du grand communicant, qui saupoudre ses programmes de femmes dénudées pour plaire au grand public.
Ainsi, la holding de la famille Berlusconi, Fininvest, compte trois chaînes de télévision, des journaux, les éditions Mondadori et bien d’autres participations.
En grand fan de football, Silvio Berlusconi aura présidé pendant 31 ans l’AC Milan, qui a remporté cinq fois la Ligue des champions sous son ère, avant de vendre en avril 2017 à des investisseurs chinois.
Allers-retours politiques
En 1994, il crée Forza Italia, et à l’issue d’une une campagne-éclair relayée par son empire médiatique, il devient chef du gouvernement avant d’être lâché par ses alliés sept mois plus tard.
Il revient au pouvoir en 2001 pour cinq ans, un record depuis l’après-guerre. Battu d’un cheveu en 2006, il prend sa revanche deux ans plus tard, s’installant aux commandes pour la troisième fois. Mais en novembre 2011, il doit céder sous les huées les rênes d’une Italie en proie à une grave crise financière. Toujours sans héritier politique, il ressurgit en 2013 sur la scène politique en raflant près d’un tiers des voix aux législatives.
Quelques mois plus tard, la longue litanie de ses déboires judiciaires aboutit à une première condamnation définitive pour fraude fiscale : un an de prison – effectué sous forme de travaux d’intérêt général dans une maison pour personnes âgées – six ans d’inéligibilité et l’expulsion du Sénat.
Il doit alors renoncer au titre de « chevalier de l’ordre du travail » qui lui avait valu d’être appelé « Il Cavaliere ».