Tunisie : deux étudiants arrêtés et emprisonnés pour une chanson satirique

Deux étudiants tunisiens ont été emprisonnés après la publication sur les réseaux sociaux d’une chanson satirique critiquant la police et une loi réprimant la consommation de stupéfiants.

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Deux étudiants tunisiens ont été placé sous mandat de dépôt, mardi 16 mai 2023 après avoir publié une chanson satirique. Crédit: Capture d'écran

Il s’agit de Dhia Nassir et Youssef Chalbi, âgés de 26 et 27 ans, qui ont été interpellés lundi 15 mai alors qu’ils quittaient un café à Nabeul (nord-est), a fait savoir à leur avocate Me Imen Souissi, à l’AFP.

Sur la base d’éléments réunis par la police, ils ont été placés en garde à vue, puis sous mandat de dépôt par le tribunal de première instance de Nabeul en attendant leur comparution prévue mardi prochain, selon l’avocate.

La justice leur reproche d’avoir “porté atteinte à autrui via les réseaux sociaux” et d’avoir “attribué des faits inexacts à un agent public” dans une chanson publiée depuis une semaine sur le réseau TikTok.

Dans leur vidéo, les deux étudiants scandent, sur un air connu de dessin animé, des paroles de leur composition critiquant la police et son application d’une législation pénalisant la consommation de cannabis. “Une fois pendant la nuit, la police nous a rendu visite. Elle nous a emmenés faire un test (anti-drogue), je lui ai dit (au policier) je ne fume pas (de cannabis), prends deux dinars et libère-moi” chantaient les étudiants.

“Les agents qui ont mené les recherches sur ces étudiants ont jugé que ces paroles portaient atteinte à la police alors qu’il ne s’agissait que d’une chanson humoristique”, a déploré Me Souissi.

L’Union générale des étudiants tunisiens (UGET) a lancé, sur sa page Facebook, un appel à la libération de ces étudiants “emprisonnés pour une parodie”, accompagné de leurs photos.

La chanson dénonce les nombreuses arrestations de jeunes sur la base de ce texte, jugé liberticide par la société civile et plusieurs ONG.

L’article 52, qui prévoit jusqu’à dix ans de prison pour la consommation ou détention de drogue, a fait l’objet de débats et manifestations réclamant sa révision et un allègement des peines, après la révolution de 2011. Selon des statistiques officielles, près de 30 % des détenus en Tunisie sont emprisonnés au nom de cette réglementation.

Le bureau régional de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme à Nabeul a dénoncé des “procédures arbitraires” à l’encontre des deux étudiants. Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes, se disant choqués par cette arrestation pour une simple chanson, ont réclamé leur libération. “C’est étouffant !”, a écrit sur sa page Facebook, Rim Saoudi, une responsable du Syndicat national des journalistes tunisiens, pour déplorer la situation des libertés dans le pays.

Des ONG tunisiennes et internationales ont pour leur part critiqué un “recul” des libertés en Tunisie depuis que le président Kais Saied s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021.

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