Réforme des retraites : le gouvernement français à la chasse aux voix des députés

À peine engrangé un succès au Sénat, le gouvernement d’Élisabeth Borne part à la chasse aux voix des députés qui devraient se prononcer à leur tour sur la très contestée réforme des retraites en milieu de semaine prochaine, dans l’espoir d’éviter un recours à l’article 49.3, c’est-à-dire une adoption sans vote.

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Le Premier ministre français Elisabeth Borne et le ministre français du Travail Olivier Dussopt assistent à une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 28 février 2023. Crédit: AFP

La Première ministre est montée en première ligne dès que le vote du Sénat, dominé par la droite, a été acquis, tard samedi soir, par 195 voix contre 112. Elle a promis de mettre désormais toute son “énergie” pour “que ce texte soit voté”.

Elle réunissait dimanche en fin d’après-midi les principaux ministres concernés par la réforme pour préparer les “prochaines étapes afin de mener au bout le processus démocratique jusqu’au vote du texte”, selon Matignon.

Parmi les ministres conviés figurent Bruno Le Maire (Économie), Olivier Dussopt (Travail), Gabriel Attal (Comptes publics) ainsi que le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

Emmanuel Macron, pour qui cette réforme est politiquement capitale, est en revanche resté dimanche sur sa réserve et n’a pas commenté l’adoption du texte du Sénat.

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“Il existe une majorité au Parlement” pour voter la réforme, veut croire Elisabeth Borne, à l’orée d’un scrutin autrement plus serré qui s’annonce, probablement jeudi, à l’Assemblée nationale.

“On ne se met pas du tout dans l’optique du 49.3”, assure son entourage. Le gouvernement a sorti sa calculette et espère obtenir suffisamment de voix des Républicains, pourtant divisés, afin d’éviter le recours à cet outil constitutionnel perçu comme autoritaire, qui permet l’adoption d’un texte sans vote, mais expose l’exécutif à une motion de censure.

Après trois jours de répit, les débats parlementaires reprendront mercredi, avec la convocation d’une commission mixte paritaire (CMP) en parallèle d’une huitième journée de manifestations contre la réforme. Dans cette réunion, sept députés et sept sénateurs chercheront à s’accorder sur un texte de compromis. Le gouvernement n’y est pas présent, mais il peut tirer les ficelles.

Si un accord est trouvé, le texte ira jeudi de nouveau au Sénat pour une dernière validation puis, vraisemblablement dans un immense suspense, à l’Assemblée nationale.

49.3 : “une forme de vice démocratique”

Selon une source au sein de l’exécutif, Matignon devrait réunir lundi les parlementaires concernés pour préparer le conclave, où les macronistes et la droite sont majoritaires. Dire qu’il existe une majorité au Parlement, c’est “la méthode Coué”, a estimé le chef de file des sénateurs socialistes Patrick Kanner sur RMC. Il a souligné que 50 voix avaient manqué à la droite et au groupe centriste au Sénat pour voter la réforme, “une alerte non négligeable”, selon lui.

Compte tenu du niveau “inédit” des manifestations contre la réforme, utiliser le 49.3 “serait une forme de vice démocratique”, a estimé le patron de la CFDT Laurent Berger.

Le leader syndical met surtout en garde contre le “ressentiment très profond” que l’adoption de la réforme pourrait susciter dans le monde du travail, jugeant que le refus par Emmanuel Macron de recevoir l’intersyndicale ressemble à un “incroyable bras d’honneur à la démocratie sociale”. Dans la majorité, le recours au 49.3 n’est pas à ce stade l’hypothèse privilégiée.

Les arguments contre sont “très forts”, a jugé au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI le patron du MoDem François Bayrou, même s’“il y a peu de marges” pour réunir une majorité de députés.

Le patron du parti présidentiel Renaissance, Stéphane Séjourné, n’est pas non plus favorable au 49.3, et considère dans le JDD que la réforme “peut et doit avoir une majorité”, appelant “en responsabilité” les Républicains à la voter.

Mais “si, au bout du compte, il y a un souci” le gouvernement “devra l’utiliser”, a conseillé le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau au Grand rendez-vous Europe 1/Les Échos/CNews.