Quelques heures auparavant, les avocats du multimilliardaire avaient demandé l’interruption des poursuites engagées par Twitter pour forcer leur client à honorer l’accord d’acquisition. Ils ont assuré s’attendre à ce que l’opération soit conclue “autour du 28 octobre”.
Elon Musk avait forcé en avril la main du conseil d’administration du groupe californien pour le racheter, contre 44 milliards de dollars, avant de revenir unilatéralement sur son engagement quelques semaines plus tard.
Volte-face de Musk
Lundi, dans une nouvelle volte-face, il a finalement proposé de conclure la transaction au prix initialement convenu, du moment qu’il obtenait les fonds nécessaires et que Twitter mettait fin à ses poursuites. Mais après des mois d’attaques publiques et de changements d’avis de la part du fantasque entrepreneur, l’entreprise voulait des preuves sonnantes de son sérieux.
Les avocats de Twitter s’étaient donc opposés plus tôt jeudi à l’ajournement du procès réclamé par la partie adverse, qualifiant cette proposition “d’invitation à plus de roublardise et de retard”.
La juge Kathaleen McCormick a finalement tranché : “La procédure est suspendue jusqu’au 28 octobre 2022 à 17 h, pour permettre aux parties de conclure la transaction. Si elle n’est pas conclue (à cette date et à cet horaire), les parties devront me contacter par email pour obtenir les dates d’un procès en novembre.”
Une décision qui a pris de nombreux observateurs par surprise, car Twitter semblait avoir l’avantage jusqu’à présent. La loi du Delaware, où se règle habituellement ce type de conflit, favorise en effet le respect des contrats.
Elon Musk “marque un point”, constate Ann Lipton, professeure de droit à la Tulane University. “Il voulait clairement retarder la procédure et éviter sa déposition”, qui a déjà été reportée à plusieurs reprises.
La juge lui donne une chance de tenir parole, estime l’experte : “Elle lui a donné un peu de mou”, mais si jamais l’opération n’était pas conclue à la date butoir, “Twitter aura un dossier plus solide pour prouver qu’il (Elon Musk, ndlr) était de mauvaise foi tout du long.”
Les négociations entre les deux parties ont repris en début de semaine, mais elles achoppent sur la condition du financement.
Dans leur motion, les avocats d’Elon Musk notent que “Twitter refuse de mettre fin à ses poursuites en raison de la possibilité théorique d’un futur échec pour boucler le financement”.
Mais “cet échec n’a pas eu lieu à ce stade”, soulignent-ils. “Au contraire”, les créanciers ont indiqué “être prêts à honorer leurs obligations”, affirment les juristes. “Les spéculations sans fondement de Twitter ont été réfutées par les banques elles-mêmes.”
Ils estiment que leur client “a accepté de faire” ce que l’entreprise demandait. “Et pourtant, Twitter refuse d’accepter cette réponse positive. De façon incroyable, (la société) insiste pour continuer la procédure, mettant en danger la transaction et jouant avec les intérêts des actionnaires”.
Le groupe à l’oiseau bleu a de son côté fait valoir qu’il n’avait aucune raison de faire confiance à l’homme le plus riche au monde. “À de nombreuses reprises”, le clan Musk “n’a pas respecté son obligation de faire tout son possible pour conclure l’opération”, ont répliqué les avocats de Twitter.
“Depuis des mois, (la partie adverse) a avancé des accusations de plus en plus invraisemblables pour retarder le procès (…), des accusations qui sont apparues sans fondement” lors des audiences préliminaires, ont-ils assené. “Maintenant, à la veille du procès, ils disent vouloir conclure. (…) “Faites-nous confiance” disent-ils, “nous sommes sérieux cette fois-ci””, s’est moqué le réseau social.
Les avocats d’Elon Musk ont argumenté que l’issue la plus probable à leur avis serait “que la dette soit financée”, auquel cas “les actionnaires recevront leur argent bien plus vite que si Twitter remporte le procès, et l’appel ensuite (…) un processus qui pourrait prendre des mois”.
“La cour est censée voir les choses de façon neutre et donc ne pas avoir d’opinion sur Elon Musk”, rappelle Adam Badawi, professeur de droit l’université de Berkeley. Si le milliardaire ne tient pas parole, les conséquences pourraient être rudes, ajoute l’expert, car il s’agit d’un tribunal spécialisé en droit des affaires, “qui a donc plus de marge de manœuvre pour imposer des sanctions”.