Le Nobel de médecine au Suédois Svante Pääbo, chasseur de l’ADN préhistorique

Le prix Nobel de médecine a couronné ce 3 octobre le pionnier de la paléogénomique, le Suédois Svante Pääbo, pour le séquençage complet du génome de l’homme de Néandertal et la fondation de cette discipline qui remonte à l’ADN du fond des âges pour éclairer les gènes humains d’aujourd’hui.

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Le prix Nobel de Médecine a couronné le pionnier de la paléogénomique, le Suédois Svante Pääbo, le 3 octobre 2022. Crédit: Facebook / ar.sweden.se

En révélant les différences génétiques qui distinguent tous les humains vivants des homininés disparus, ses découvertes ont donné la base à l’exploration de ce qui fait de nous, humains, des êtres aussi uniques”, a salué le jury Nobel.

Grâce au séquençage d’un os retrouvé en Sibérie en 2008, le Suédois de 67 ans a également permis de révéler l’existence d’un autre homininé distinct et inconnu jusqu’alors, l’homme de Denisova, qui vivait dans l’actuelle Russie et en Asie.

Installé en Allemagne depuis des décennies — il travaille au prestigieux Institut Max-Planck pour la recherche fondamentale — Svante Pääbo a découvert en 2009 qu’un transfert de gènes de l’ordre de 2 % avait eu lieu entre ces homininés disparus, comme Néandertal, et l’Homo sapiens. Ce flux ancien de gènes vers l’homme actuel a eu un impact physiologique sur l’homme d’aujourd’hui, affectant par exemple la façon dont son système immunitaire réagit aux infections.

Ses travaux avaient ainsi récemment montré que les malades du Covid-19 portant un segment d’ADN de Néandertal — notamment en Europe, et plus notablement en Asie du Sud — hérité d’un croisement avec le génome humain il y a quelque 60.000 ans, avaient plus de risques d’avoir des complications sévères de la maladie.

De l’Homo Sapiens à nos proches ancêtres

“Les différences génétiques entre Homo Sapiens et nos plus proches parents aujourd’hui étaient inconnues jusqu’à ce qu’elles soient identifiées grâce aux travaux de Pääbo”, a salué le comité Nobel dans sa décision.

Le chercheur suédois a su surmonter les difficultés posées par la dégradation de l’ADN dans le temps : après des milliers d’années, seules des traces demeurent, de surcroît largement contaminées par des bactéries ou des traces humaines modernes.

Dans une interview à la Fondation Nobel, le paléogénéticien a raconté qu’il était “en train d’avaler sa dernière gorgée de thé” quand il a reçu le coup de téléphone de Stockholm. “Je ne pensais pas vraiment que (mes découvertes) me qualifieraient pour un prix Nobel”, a-t-il affirmé.

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L’homme de Néandertal a cohabité un temps avec l’homme moderne en Europe avant de disparaître totalement il y environ 30.000 à 40.000 ans, supplanté par Sapiens, aux racines africaines. “Les 40.000 dernières années sont assez uniques dans l’histoire de l’humanité puisque nous sommes la seule forme d’humain en vie. Avant cela, il y avait presque tout le temps eu d’autres types d’humains”, a souligné Pääbo jeudi.

Le Nobel de père en fils

Natif de Stockholm, il était considéré comme nobélisable depuis longtemps. Mais il avait disparu de la liste des favoris ces dernières années. L’Institut Max-Planck s’est réjoui de son prix, saluant un travail “qui a révolutionné notre compréhension de l’évolution historique de l’humain moderne”.

Svante Pääbo remporte seul ce Nobel scientifique, doté d’une récompense de 10 millions de couronnes (environ 920.000 euros). Un exploit de plus en plus rare, le dernier Nobel de médecine pour un lauréat seul remontant à 2016.

La récompense ouvre une dynastie improbable : son père, Sune Bergström (1916-2004), avait également reçu le Nobel de médecine en 1982 pour avoir découvert des prostaglandines. Il est en réalité le père naturel de Svante, qui avait expliqué publiquement en 2014 être le fruit secret d’une aventure extraconjugale, d’où leurs noms différents.

L’an dernier, le prix de médecine était allé à deux Américains, David Julius et Ardem Patapoutian, pour leurs découvertes sur le fonctionnement du toucher.