Possibles “crimes contre l’humanité” : que contient le rapport de l’ONU sur le Xinjiang ?

L’ONU vient de publier un rapport très attendu sur les violations présumées des droits de l’Homme dans la région chinoise du Xinjiang (nord-ouest), notamment contre des minorités musulmanes.

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Cette image non datée publiée par la Fondation du mémorial des victimes du communisme le 24 mai 2022 montre des policiers engagés dans un apparent exercice anti-évasion ou anti-émeute au centre de détention du comté de Tekes dans la région du Xinjiang, dans l'ouest de la Chine, en février 2018. Crédit: THE VICTIMS OF COMMUNISM MEMORIAL FOUNDATION / AFP

Mélange d’entretiens réalisés par ses soins et d’informations directes ou de seconde main, il évoque la possibilité de “crimes contre l’humanité” mais ne reprend pas le terme de “génocide” utilisé par les États-Unis.

Voici les cinq principales allégations contenues dans ce rapport, rédigé par le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (HCDH).

Détention arbitraire à grande échelle

Le Xinjiang a longtemps été frappé par des attentats sanglants. Le reste du pays a également été touché, avec notamment une attaque à l’arme blanche contre des voyageurs en gare de Kunming (sud-ouest) en 2014. Elle a fait une trentaine de morts, plus de 140 blessés et choqué le pays. La Chine accuse des séparatistes et islamistes de la minorité ethnique des Ouïghours. Elle a depuis lancé une implacable campagne au nom de l’antiterrorisme.

Le rapport de l’ONU décrit un “schéma de détention arbitraire à grande échelle” au Xinjiang “au moins de 2017 à 2019” dans des établissements sécurisés. La Chine les présente comme des “centres de formation professionnelle” destinés à “déradicaliser” des habitants en les formant à un métier.

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Le rapport onusien cite des documents, présentés comme émanant des autorités chinoises et listant une série de raisons pour justifier un internement pour “extrémisme” : avoir trop d’enfants, porter un voile ou encore avoir été condamné dans le passé.

Avec la fermeture présumée des centres de formation, l’ONU estime par ailleurs “qu’il y a eu une évolution vers des incarcérations formelles” afin de continuer à maintenir en détention un certain nombre de personnes. Cette méthode est devenue le “principal moyen d’emprisonnement et de privation de liberté à grande échelle”.

La Chine rejette ces accusations. Les définitions du terrorisme et de l’extrémisme sont “clairement spécifiées” et “excluent toute application arbitraire”, assure-t-elle.

Accusations de torture et violences sexuelles

Sans les confirmer, le rapport estime “crédibles” les accusations de torture et de violences sexuelles dans les établissements d’internement au Xinjiang. Des personnes interviewées par l’ONU disent avoir été immobilisées et battues. Certaines affirment avoir été violées ou avoir subi des “examens gynécologiques invasifs”.

“Il n’est pas possible de tirer des conclusions plus larges quant à savoir s’il y a eu des schémas plus larges de violences sexuelles et sexistes” dans les centres de formation professionnelle, note le rapport.

“Le total démenti du gouvernement (chinois) vis-à-vis de toutes les allégations” ont toutefois “renforcé l’indignité et la souffrance” des personnes ayant témoigné, dénonce l’ONU.

Avortement ou stérilisation forcés

L’ONU a interrogé des femmes ayant déclaré “avoir été contraintes d’avorter ou de se faire poser un stérilet après avoir atteint le nombre d’enfants autorisé” par la politique nationale de limitation des naissances. “Ces témoignages de première main, bien que limités en nombre, sont considérés comme crédibles”, estime là encore le rapport, qui prend note du repli du taux de natalité au Xinjiang depuis 2017.

La Chine dément ces accusations. Elle réfute toute idée de “stérilisation forcée” mais concède appliquer au Xinjiang, comme ailleurs dans le pays, sa politique de limitation des naissances, pendant longtemps mise en œuvre avec laxisme dans la région.

Des activités religieuses criminalisées

Le rapport de l’ONU estime que la Chine a une interprétation “extrêmement large” du terme “d’extrémisme”, ce qui a pour conséquence de criminaliser des activités “liées à la jouissance d’une vie culturelle et religieuse”.

Porter un hijab, fermer un restaurant pendant le ramadan ou donner à ses enfants des prénoms jugés trop musulmans (“Mohammed”, “Islam”, “Jihad”, etc.) sont considérés comme des signes “d’extrémisme religieux” qui “peuvent entraîner des conséquences graves” pour les personnes concernées, selon le rapport, qui se base sur des articles de plusieurs médias.

Le HCDH prend également note d’informations de presse “très préoccupantes” concernant la destruction présumée de mosquées et cimetières dans le Xinjiang. La Chine affirme que toutes les “activités religieuses normales” dans la région sont protégées par la loi.

Elle dit avoir rénové certaines mosquées avec des fonds publics et mis en place de nouveaux instituts officiels de formation des religieux musulmans.

Des “éléments de coercition” dans les programmes d’emploi

Selon le rapport, certains éléments des programmes d’emploi au Xinjiang “semblent” présenter des “éléments de coercition” et nécessitent des “clarifications” de la part de Pékin.

Le HCDH cite des documents officiels chinois mentionnant le transfert de personnes des “centres de formation professionnelle” vers des usines. Il s’interroge ainsi si de tels programmes “peuvent être considérés comme s’effectuant entièrement sur la base du volontariat”. L’ONU ne va toutefois pas jusqu’à reprendre l’accusation de “travail forcé”, formulée par les États-Unis et le Parlement européen sur la base de rapports d’organisations occidentales.

La Chine affirme que les “stagiaires” des “centres de formation professionnelle” peuvent “choisir librement leur emploi” et qu’ils “gagnent un salaire et mènent une vie prospère”.