Au lendemain du départ de Taipei de Nancy Pelosi, numéro trois américaine et présidente de la Chambre des représentants, l’armée chinoise avait lancé jeudi de vastes manœuvres “à tir réel” dans six larges zones tout autour de Taïwan. Ces exercices, en tout cas dans cette configuration, devaient s’achever dimanche midi (4 h GMT) selon l’administration chinoise de la sûreté maritime.
“Aucune justification” à ces manœuvres militaires “agressives”
Ils avaient pour but de s’entraîner à un “blocus” de l’île, selon les médias officiels chinois. De par leur ampleur, ils avaient suscité des critiques des chefs de la diplomatie du G7 (États-Unis, Japon, France, Allemagne, Italie, Canada, Royaume-Uni), lesquels avaient estimé qu’il n’y avait “aucune justification” à ces manœuvres militaires “agressives”.
Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, avait lui qualifié de “disproportion totale” la réaction chinoise. Avec ses homologues japonais et australien, Blinken avait par ailleurs publié un communiqué appelant la Chine à stopper ses exercices militaires. Mais des manœuvres se poursuivent lundi.
“L’Armée populaire de libération (…) continue de mener des exercices pratiques interarmées dans l’espace maritime et aérien autour de Taïwan, en se concentrant sur des opérations conjointes anti-sous-marins et d’assaut en mer”, a indiqué dans un communiqué le Commandement Est de l’armée chinoise. Il n’a pas précisé dans quelles zones se déroulent ces manœuvres, ni si elles sont “à tir réel” ou non.
L’armée chinoise a mené ces derniers jours autour de Taïwan les plus grands exercices militaires de son histoire dans cette zone, envoyant avions de chasse, navires de guerre, drones et tirant des missiles balistiques. L’armée taïwanaise est restée sur ses gardes tout au long de ces manœuvres et devrait mener ses propres exercices à tir réel à partir de mardi.
Le Premier ministre taïwanais, Su Tseng-chang, a estimé dimanche que “l’usage brutal de la force militaire par la Chine ébranle la paix et la stabilité”. Le ministère taïwanais des Affaires étrangères a jugé que les exercices chinois constituaient une menace pour “la région et même le monde”.
Pour prouver à quel point elle s’était approchée des côtes taïwanaises, l’armée chinoise a diffusé ce week-end une photo prise selon elle à partir d’un de ses navires de guerre, où l’on voit un bâtiment de la marine taïwanaise à quelques centaines de mètres seulement. Ce cliché pourrait être le plus proche du littoral taïwanais jamais pris par les forces de Chine continentale.
Selon la télévision publique chinoise CCTV, des missiles balistiques ont survolé Taïwan cette semaine, ce qui constituerait une première.
Pékin contre tout contact officiel entre Taïwan et d’autres pays
La Chine estime que Taïwan, une île peuplée d’environ 23 millions d’habitants, est l’une de ses provinces, qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise (1949). Opposé à toute initiative donnant aux autorités taïwanaises une légitimité internationale, Pékin est vent debout contre tout contact officiel entre Taïwan et d’autres pays.
Des responsables et parlementaires américains se rendent fréquemment dans cette île, mais la Chine juge que la visite de Nancy Pelosi, l’un des plus hauts personnages de l’État américain, a été une provocation majeure. Outre les exercices militaires, la Chine a réagi en suspendant une série de discussions et de coopérations sino-américaines, notamment sur le changement climatique, ce qui a déclenché une salve de critiques internationales.
“L’une des leçons apprises par le Parti communiste chinois (au cours de ces exercices), c’est de voir que le Japon a réagi de manière si forte face aux actions chinoises, déclare à l’AFP Niklas Swanström, directeur de l’Institut pour la sécurité et le développement à Stockholm. Il y a aussi le fait que ces exercices ont relancé le débat dans les autres pays de la région sur la nécessité d’augmenter leurs budgets militaires. Au final, la Chine a poussé le Japon à encore plus se rapprocher de Taïwan.”
(avec AFP)