A Marioupol, l’aviation russe a sciemment lancé une bombe sur le Théâtre dramatique dans le centre-ville. L’immeuble est détruit. Le nombre de morts n’est pas encore connu”, a déclaré mercredi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky. “Le monde doit finalement admettre que la Russie est devenue un État terroriste”, a-t-il lancé.
Pour le maire de Marioupol, Vadym Boïchenko, cette attaque est une “effroyable tragédie”. “Le seul mot pour décrire ce qui s’est passé aujourd’hui est génocide, le génocide de notre nation, de notre peuple ukrainien”, a-t-il poursuivi.
“Les envahisseurs ont détruit le Théâtre dramatique, où plus d’un millier de personnes avaient trouvé refuge. Nous ne pardonnerons jamais cela”
La société américaine de technologies spatiales Maxar Technologies, spécialisée dans l’imagerie satellite, a publié ce mercredi une photo du théâtre prise lundi, selon elle. Sur cette photo consultée par l’AFP, le mot “enfants” était écrit sur le sol, en immenses lettres blanches et en russe, devant et derrière le bâtiment.
“Les envahisseurs ont détruit le Théâtre dramatique, où plus d’un millier de personnes avaient trouvé refuge. Nous ne pardonnerons jamais cela”, a indiqué la mairie dans la nuit de mercredi à jeudi.
La Russie dément
Le ministère russe de la Défense a démenti un bombardement de la ville par ses troupes et affirmé que l’immeuble avait été détruit par le bataillon nationaliste ukrainien Azov. Moscou a déjà rejeté sur cette unité militaire la responsabilité du bombardement la semaine dernière d’une maternité à Marioupol, qui avait provoqué un tollé international.
L’ambassade de Russie à Washington a affirmé qu’il s’agissait d’une campagne de désinformation. L’ONG Human Rights Watch (HRW) a affirmé avoir besoin de davantage d’informations pour évaluer la situation à Marioupol.
“Avant d’en savoir plus, nous ne pouvons pas exclure la possibilité d’une cible militaire ukrainienne dans la zone du théâtre, mais nous savons que le théâtre abritait au moins 500 civils”, a indiqué Belkis Wille, du HRW, évoquant de “sérieuses préoccupations” concernant la cible.
Washington accuse, Moscou réplique
À Washington, répondant à une journaliste, le président américain Joe Biden a lâché à propos de son homologue russe : “C’est un criminel de guerre”, des propos que le Kremlin a qualifiés d’“inacceptables et impardonnables”.
“Le système de santé est devenu une cible (…) C’est totalement inacceptable, c’est contraire au droit humanitaire international”
Peu auparavant, Joe Biden avait confirmé que son pays fournirait 800 millions de dollars de plus au titre de l’aide militaire à Kiev, soit une enveloppe “sans précédent” d’un milliard de dollars en une semaine pour soutenir son armée. “À la demande” du chef de l’État ukrainien, qui s’était un peu plus tôt adressé au Congrès américain, “nous aidons l’Ukraine à se doter de systèmes de défense antiaérienne supplémentaires et de plus longue portée”, a-t-il dit, précisant que des drones seraient aussi livrés.
Les frappes meurtrières de l’armée russe se sont par la suite poursuivies dans l’ensemble de l’Ukraine. Dix personnes qui faisaient la queue pour acheter du pain à Tcherniguiv, à 150 km au nord de Kiev, ont péri lorsque des soldats ont ouvert le feu sur elles de manière “préméditée”, a annoncé le parquet général. La ville subit de nombreux raids aériens tout comme Kharkiv (nord-est), deuxième ville du pays, où au moins 500 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre le 24 février.
La capitale, vidée de plus de la moitié de ses 3,5 millions d’habitants, est sous couvre-feu depuis mardi 20 h (18 h GMT), et ce, jusqu’à jeudi 7 h, après que plusieurs frappes aériennes ont visé des immeubles d’habitation lundi et mardi. Selon le Parlement ukrainien citant des chiffres collectés par le parquet général, 103 enfants ont été tués dans le pays depuis l’invasion russe et une centaine blessés.
Dans le même temps, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a dénoncé les nombreuses attaques militaires sur les infrastructures de santé. “Le système de santé est devenu une cible (…). Cela commence à faire partie de la stratégie et des tactiques de la guerre. C’est totalement inacceptable, c’est contraire au droit humanitaire international”, a déploré Michael Ryan, chef des urgences de l’OMS.
La CIJ ordonne à Moscou l’interruption de ses offensives
C’est dans ce contexte que la Cour internationale de justice (CIJ), plus haut tribunal de l’ONU, a ordonné mercredi à Moscou d’immédiatement interrompre ses opérations militaires en Ukraine, se disant “profondément préoccupée” par l’ampleur des combats. Imperturbable, Vladimir Poutine a martelé dans un discours que l’opération militaire était “un succès”. Cela alors que son armée ne peut revendiquer la prise d’aucune grande ville et progresse au ralenti.
Juste avant, son homologue ukrainien avait été ovationné en visioconférence par les parlementaires américains et avait de nouveau réclamé l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de son pays. Joe Biden a jusqu’ici rejeté l’idée de mettre en place une telle zone, de peur de voir les États-Unis et l’Alliance atlantique — qui a répété mercredi qu’il n’était “pas question de déployer des troupes de l’OTAN ni des avions en Ukraine” — être entraînés dans un conflit susceptible de se transformer en troisième guerre mondiale.
Cette organisation a toutefois fait part de son intention de renforcer son dispositif sur son flanc oriental.
L’Ukraine, un nouveau pays neutre ?
Selon le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, les négociateurs discutent désormais d’“un compromis”, qui ferait de l’Ukraine un pays neutre sur le modèle de la Suède et de l’Autriche. “Il y a des formules très concrètes qui, je pense, sont proches d’un accord”, a également souligné le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. Sans démentir des discussions sur une neutralité, le négociateur en chef ukrainien Mykhaïlo Podoliak a déclaré que “le modèle ne peut être qu’Ukrainien”.
“Mes priorités dans ces négociations sont claires : fin de la guerre, des garanties de sécurité, souveraineté, rétablissement de notre intégrité territoriale, des garanties réelles pour notre pays, une protection réelle pour notre pays”, a détaillé Zelensky dans la soirée.
Dans la nuit de mardi, il avait estimé que les positions des deux camps étaient désormais “plus réalistes”. Notamment à travers la déclaration de Zelenksy, annonçant que son pays était prêt à renoncer à toute adhésion de son pays à l’OTAN.
Le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Albanie, la France, la Norvège et l’Irlande ont demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU jeudi après-midi.