José Luis Rodríguez Zapatero : “Nous vivons l’une des meilleures périodes des relations entre l’Espagne et le Maroc”

À l’occasion de la 25ᵉ édition du Festival Gnaoua et Musiques du monde, l’ex-président du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero, a accordé une interview exclusive à TelQuel. Il y partage ses réflexions sur des sujets stratégiques pour l’Espagne et le Maroc, tels que la stabilité régionale, la co-organisation de la Coupe du monde 2030, le rôle de l’Espagne dans la question du Sahara, et l’importance des échanges culturels.

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José Luis Rodríguez Zapatero, ex-président du gouvernement espagnol. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

TelQuel : Vous soulignez souvent que la relation avec le Maroc est essentielle pour la stabilité de l’Espagne. Quels sont, selon vous, les éléments clés qui rendent cette relation si déterminante ?

José Luis Rodríguez Zapatero : En effet, je pense que pour l’Espagne, la relation avec le Maroc est primordiale dans le cadre de sa politique étrangère. De même, pour le Maroc, une bonne relation avec l’Espagne est également essentielle dans ses relations extérieures.

Une relation solide est toujours bénéfique : l’Espagne en profite, le Maroc aussi. En matière de sécurité, d’économie et de droits humains, notamment ceux des migrants, cette relation joue un rôle crucial. Elle favorise les liens entre l’Europe et l’Afrique et montre au monde un exemple de la façon dont deux pays voisins, avec des histoires d’amitié et de conflit, avec des cultures différentes, peuvent s’influencer mutuellement, de manière positive, vers la paix, la bonne entente et l’affection qui les rendent meilleurs et plus heureux.

Quel impact supplémentaire pourrait avoir sur ces relations bilatérales la co-organisation de la Coupe du monde 2030 par le Maroc, l’Espagne et le Portugal ?

Il y a deux répercussions évidentes. Premièrement, la Coupe du monde 2030 nécessitera une coopération étroite entre le Maroc, le Portugal et l’Espagne, trois pays amis et pacifiques. Ce qui est très important, c’est que ces pays aiment la paix.

Fouzi Lekjaa, président de la FRMF, entouré de Fernando Gomes, président de la FPF, et Pedro Rocha, président de la RFEF, lors de la signature de la déclaration d’intention dans le cadre de la candidature conjointe Maroc-Espagne-Portugal pour l’organisation de la Coupe du monde 2030 de football, le 28 octobre 2023 à Salé.Crédit: Rachid Tniouni/TelQuel

“Nous devons faire en sorte que ce soit la meilleure Coupe du monde de l’histoire”

José Luis Rodríguez Zapatero

Nous travaillerons ensemble sur un projet commun pour lequel les trois nations veulent que ce soit un succès. Nous voulons en être fiers. Nous devons faire en sorte que ce soit la meilleure Coupe du monde de l’histoire. C’est notre défi. Et savez-vous quelle sera la meilleure Coupe du monde ? La meilleure sera celle qui contribue le plus à promouvoir la paix et la coexistence entre les cultures, générant ainsi un grand espoir.

Ces Coupes du monde suscitent des émotions, nous permettent de nous voir les uns les autres. C’est un grand stimulant pour tous. Je suis très heureux que l’Espagne, le Maroc et le Portugal organisent une Coupe du monde ensemble. En fait, je suis même jaloux, car j’aurais aimé en faire partie en tant que président du gouvernement.

Quelle est votre vision de la situation actuelle au Sahara, et quel rôle spécifique pourrait jouer l’Espagne, selon vous, dans la promotion d’une solution pacifique et durable ?

L’histoire est parfois une suite de désaccords sans fin. J’espère qu’en 2030, la Coupe du monde nous permettra d’atteindre un accord définitif, à travers une formule de grande autonomie et de coexistence. Cela nécessitera beaucoup d’efforts, de générosité, et de réappropriation des mots dialogue et respect.

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Je pense que l’Espagne aspire à une contribution majeure pour atteindre cet objectif que souhaite la grande majorité de la communauté internationale : mettre fin à ce conflit et ouvrir une nouvelle perspective pour le peuple sahraoui, pour la région, et pour l’idée de paix. C’est si fort, si puissant, l’idée de se retrouver, de se réconcilier malgré les confrontations et les conflits. Et bien sûr, l’Espagne contribuera à l’atteinte de cet objectif. Les Nations unies, le Maroc, nous devons tous œuvrer pour qu’en 2030, nous ayons enfin la paix.

Quelle est votre évaluation des relations hispano-marocaines actuelles et quels sont, selon vous, les principaux défis et opportunités qui se présentent pour nos deux pays ?

Il y a deux faits objectifs : nous vivons actuellement l’une des meilleures périodes des relations entre l’Espagne et le Maroc, tant sur le plan commercial que celui politique. L’engagement de la part du roi Mohammed VI a toujours été fort, autant que celui des gouvernements espagnols.

Le roi Mohammed VI reçoit le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, au Palais royal le 21 février 2024.Crédit: MAP

Je crois que notre intelligence doit nous permettre de reconnaître que nos relations prospèrent lorsque nous travaillons bien ensemble. Par conséquent, l’un des principaux défis est de renforcer cette vision qui unit l’Europe, l’Afrique et l’Asie, et de construire un nouvel horizon de paix et de développement mondial. Cela constituerait une contribution extraordinaire à la paix et au développement global.

Lors du spectacle d’ouverture du Festival Gnaoua à Essaouira, la fusion des artistes marocains et espagnols a mis en lumière les similitudes entre les instruments et les danses marocaines et espagnoles. Quelle importance accordez-vous à cette rencontre culturelle pour les relations maroco-espagnoles ?

Ce qui importe le plus, c’est de se tourner vers la culture, source de créativité, de sensibilité et d’inspiration. La musique, la danse et l’art transcendent les conflits et les guerres. C’est pourquoi il est si important de comprendre que toutes les cultures s’enrichissent mutuellement. Elles se nourrissent les unes des autres d’autres perspectives. C’est là leur grandeur.

Et dans la culture, surtout quand nous voyons comme dans ce festival, cette fusion, cette union, nous comprenons facilement que nous ne formons qu’une humanité diverse, et heureusement. Malgré les différences de couleur de peau et d’histoire, nous ne sommes qu’une seule humanité. Voilà la grandeur de la culture.