OCP Africa, une société « en harmonie entre ‘activités principales’ et les ‘activités d’innovation’ », explique Mohamed Anouar Jamali en prélude du rapport 2023 de la filiale qu’il dirige. L’activité principale, la commercialisation d’engrais à base de phosphore, a obtenu de bons résultats sur le continent. Elle atteint un volume total de 2,3 millions de tonnes de « produit OCP » – comprenons ici d’engrais – meilleur résultat du groupe marocain depuis son lancement sur le marché africain en 2013.
Côté innovation, OCP Africa dévoile un large panel d’activités visant à promouvoir l’utilisation de son produit à travers le continent. Éducation des agriculteurs, usage des nouvelles technologies, digitalisation… Les outils sont nombreux, divers, et la filiale s’en empare pour toucher le plus grand nombre de fermiers possible.
La volonté d’optimiser le marché africain
D’abord, un constat : « l’agriculture emploie au moins 60% de la population du continent africain et contribue de 30 à 40% de son PIB annuel ». Sur le papier, cette donnée représente à elle seule une bonne nouvelle pour OCP Africa a, à sa portée, un marché foisonnant. Par ailleurs, le secteur est porteur, avec une croissance de 4,1% entre 2000 et 2020, contre une moyenne mondiale de 2,7%.
Pourtant, OCP Africa remarque que les enseignements à tirer de cette croissance remarquable de l’agriculture du continent sont limités sur le terrain des fertilisants. La filiale regrette notamment que cette prospérité soit davantage due à l’augmentation du nombre de travailleurs de la terre et du nombre d’hectares cultivés, plutôt qu’à une amélioration du rendement.
Pour OCP Group, un coupable : le faible investissement de l’agriculture africaine dans les engrais. Il regrette ainsi que la consommation de fertilisant dans son propre continent soit, pour chaque hectare, de 22 kg, contre 278.6 kg en Asie de l’Est. « Dans l’ensemble, la plupart des exploitations agricoles restent de petite taille », explique le géant marocain. De grandes fermes, avec de grands moyens pourraient faire face « aux coûts élevés du transport, à l’absence de connaissance sur la santé des sols », et… « au coût des intrants », comme les engrais au phosphate, par exemple. En un mot, plus les exploitations sont importantes, meilleurs les clients sont.
Enfin, la volonté de promouvoir des fertilisants en Afrique s’accompagne d’une certaine idée de sécurité alimentaire sur le continent. Le groupe remarque que 80% de la nourriture importée dans les pays africains provient de pays extérieurs. Il regrette qu’un continent qui compte 24 millions de kilomètres carrés rien qu’en Afrique subsaharienne et qui a donc les moyens de nourrir l’ensemble de ses habitants, voit sa sécurité alimentaire exposée aux fluctuations et crise internationales comme la guerre en Ukraine, qui a privé le monde d’une grande partie des fertilisants provenant de Russie et Biélorussie. Voilà la raison pour laquelle la filiale d’OCP Group se veut présent sur l’ensemble du continent.
Opérations promotion
Pour se projeter dans l’avenir de l’agriculture africaine, OCP s’est lancé dans plusieurs programmes auprès des fermiers du continent.
D’abord, la filiale a repéré un défi majeur pour la mise en relation de son produit avec les agriculteurs : un réseau routier peu développé créant des « goulets d’étranglement logistiques ». Avec son initiative « Farmer Hubs », elle crée depuis 2021 des pôles situés stratégiquement pour proposer aux paysans « un accès immédiat à des intrants essentiels de qualité, notamment des engrais, des semences et des produits phytosanitaires ».
La filiale propose également aux agriculteurs, avec « OCP School lab », une étude gratuite de leur sol et des recommandations de fertilisants pour augmenter leur production. Ces laboratoires ambulants, embarqués dans des caravanes, permettent d’entrer en contact avec des agriculteurs éloignés du chemin des engrais. Le programme, déployé dans neuf pays d’Afrique, comme la Côte d’Ivoire, la Tanzanie ou le Burkina Faso, « a touché environ 970.000 fermiers », affirme le rapport.
Si le groupe assure que le School Lab sensibilise les agriculteurs aux bonnes pratiques, il ne spécifie pas si le laboratoire ambulant avertit les agriculteurs des dangers d’une utilisation intense des fertilisants pour la santé des sols et des points d’eau.
Autre proposition de formation d’OCP Africa est la création de la Digital Farming School, en partenariat avec l’UM6P, et en collaboration avec l’Institut national de Félix Houphouet-Boigny (Côte d’Ivoire). L’objectif affiché de cette première école « AgriTech » d’Afrique est ainsi de « doter les jeunes africains des compétences nécessaires pour renforcer l’innovation agricole, l’entrepreneuriat et la transformation numérique« . L’école, dont la première pierre a été posée en 2023, devrait accueillir dès 2024 ses premiers étudiants.