[Tribune] L’ascension de Bassirou Diomaye Faye, une nouvelle ère pour le Sénégal

Le 24 mars, dans les rues sénégalaises, l’effervescence était de mise tandis que les résultats provisoires de l’élection présidentielle étaient sur toutes les lèvres. Les partisans de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko ont célébré avec ferveur la victoire de l’opposant, bien que les chiffres officiels demeuraient encore à confirmer.

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L'opposant antisystème Bassirou Diomaye Faye, était encore en prison dix jours avant son élection. Crédit: DR

Une atmosphère de reconnaissance planait alors que tous les candidats, y compris le maire de Dakar, Barthélémy Dias, saluaient la performance de Diomaye Faye. Dans un geste sans précédent, Amadou Ba a concédé sa défaite à peine 24 heures après la clôture des urnes, apaisant ainsi un climat politique jusqu’alors tumultueux, et soulignant que “le Sénégal vient une fois de plus de démontrer au monde la maturité et la vitalité de son modèle démocratique”.

Ismail Daoud, consultant au sein de l’agence spécialisée en stratégie de communication et d’influence 35° Nord.Crédit: DR

L’histoire démocratique du Sénégal continue aujourd’hui de s’écrire depuis le Centre des expositions de la ville nouvelle de Diamniadio, près de Dakar, ou Bassirou Diomaye Faye a prononcé le 2 avril avec conviction le serment présidentiel, la main droite levée devant des centaines de dignitaires sénégalais et huit chefs d’État africains. “Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois”, a-t-il déclaré, marquant ainsi le début d’une nouvelle ère pour son pays.

Une élection marquée par deux forces motrices

D’une part, le ralliement du Parti démocratique sénégalais (PDS) à Bassirou Diomaye Faye, annoncé par Karim Wade le vendredi 22 mars, a représenté un véritable tournant pour Amadou Ba. Ce vieux parti, avec ses cinquante années d’existence, bénéficie d’un réseau étendu à travers le pays et d’un important vivier d’électeurs, principalement constitué de personnes d’âge moyen ou avancé. Ces derniers ont répondu en masse à l’appel en faveur de Bassirou Diomaye Faye. Bien que près de la moitié des jeunes électeurs, constituant une partie cruciale de son électorat, ne se soient pas inscrits sur les listes électorales, l’opposant a su s’appuyer sur ce solide soutien.

D’autre part, l’annulation initiale de l’élection présidentielle du 25 février par Macky Sall, suivie de son report par l’Assemblée nationale au 15 décembre, avant d’être finalement annulée par le Conseil constitutionnel, a plongé le Sénégal dans une crise politique dont beaucoup attribuent la responsabilité au président sortant et, par extension, à Amadou Ba.

Bassirou Diomaye Faye : une figure de rupture dans la continuité

Ainsi, Bassirou Diomaye Faye entre dans l’histoire en devenant le premier président sénégalais élu sans avoir occupé de fonction élective ou ministérielle préalable. De plus, il est le plus jeune président de l’histoire du Sénégal. Après avoir passé onze mois derrière les barreaux, notamment pour “diffusion de fausses informations”, il accède désormais au statut de cinquième président de la République du Sénégal. Attaché à ses origines rurales, il incarne les valeurs éducatives et sociales de sa région natale, Ndiaganiao, en pays sérère.

Lors de sa première prise de parole, Bassirou Diomaye Faye a clairement marqué une rupture avec l’ancien régime. Alors qu’Amadou Ba représentait la continuité du mandat de Macky Sall, Diomaye Faye incarne un renouveau audacieux. Il a déclaré devant la presse le lundi 25 mars : “Le peuple sénégalais a fait le choix de la rupture, pour donner corps à l’immense espoir suscité par notre projet de société.

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Ses priorités de mandat sont claires : la lutte contre la corruption, la réconciliation nationale, la réduction du coût de la vie et la mise en place de concertations nationales pour redynamiser les politiques publiques. Il a également appelé à une unité et à une intégration économique et politique accrues sur le continent africain. Dans un discours empreint de fermeté et de vision, il a lancé un appel à la communauté internationale, affirmant que “le Sénégal tiendra toujours son rang” et qu’il demeurera “l’allié sûr et fiable de tout partenaire engagé dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive”.

Son entourage, composé d’anciens membres du Pastef, a joué un rôle crucial durant sa campagne express et est susceptible d’occuper des postes clés au sein du prochain gouvernement. Parmi eux figurent des personnalités telles que El Malick Ndiaye, porte-parole de la campagne, Moustapha Guirassy, directeur de campagne, ou encore Amadou Ba, mandataire de campagne. Ces figures politiques émergentes sont bien placées pour soutenir la vision et les réformes de Bassirou Diomaye Faye.

Une nouvelle lecture de la place du Sénégal dans le monde ?

Quant à la politique étrangère, bien que des rumeurs aient circulé sur une éventuelle réticence de Bassirou Diomaye Faye à l’égard des investissements étrangers, il a tenu à rassurer les investisseurs dès ses premiers mots officiels. Alioune Sall, député des Sénégalais de l’étranger et membre du Pastef, a récemment affirmé : “Nous n’avons rien contre la France ou toute autre puissance étrangère. En revanche, nous avons toujours défendu les intérêts sénégalais en tant que parti souverainiste.”

Le programme de Bassirou Diomaye Faye prévoit la promotion des IDE uniquement dans les secteurs présentant un déficit commercial important. Dans d’autres secteurs, ces investissements seront encadrés et des partenariats avec des entreprises locales seront privilégiés. Ces orientations traduisent une volonté de renégocier les traités de coopération sur la base de partenariats plus équitables, tout en tenant compte des besoins économiques du pays.

En somme, l’élection de Bassirou Diomaye Faye marque le début d’une nouvelle ère pour le Sénégal. Son ascension fulgurante incarne l’espoir et la promesse de changements profonds, tant sur le plan national qu’international. Alors que le pays entre dans une phase de transition historique, il reste à voir comment le nouveau président saura concrétiser ses ambitions et répondre aux attentes de ses concitoyens.

Ismail Daoud est communicant, ancien élève de l’École nationale d’administration (promotion Aimé Césaire) et consultant au sein de l’agence spécialisée en stratégie de communication et d’influence 35° Nord.