Après la France, l’Espagne. Jeudi, un camion chargé de tomates crises marocaines faisait son chemin sur l’autoroute AP-4 lorsqu’il a été pris pour cible par des agriculteurs espagnols, près de Jerez de la Frontera, à Cadix, aussitôt ouvert par un groupe de plusieurs personnes portant des gilets jaunes et oranges. “Regardez d’où ça vient”, s’exclame l’un d’eux, comme on peut l’entendre dans une vidéo devenue virale. “C’est un produit du Maroc !”, crie-t-il ensuite.
Les manifestants montent alors dans le camion et commencent à le vider. Les tomates en provenance du Maroc sont jetées et piétinées au sol. Ces images ont été filmées lors de la troisième journée de protestation des agriculteurs espagnols. Ces derniers protestent contre le manque de main-d’œuvre et les conditions de travail dans le secteur. Mais pourquoi en veulent-ils aux tomates marocaines ?
Pour ces agriculteurs, les tomates marocaines, qui sont vendues moins cher sur le marché espagnol, sont le symbole d’une concurrence déloyale. “La racine de ce conflit réside dans la disparité économique entre les coûts de production des deux côtés de la Méditerranée. Les agriculteurs espagnols sont obligés de vendre un kilo de tomate à un prix qui est le quadruple de celui de leurs concurrents marocains, une différence catastrophique qui non seulement met en péril la viabilité de leurs cultures, mais qui relègue également la tomate espagnole à la deuxième place sur les marchés européens. Le Maroc, profitant de ce déséquilibre, a gravi les échelons pour devenir une véritable puissance au sein du secteur européen des fruits et légumes”, dénonce le site d’information local Mira Jerez.
Sur les réseaux sociaux, la vidéo de cet incident a suscité une vague de commentaires insultants, notamment de la part de comptes appartenant à des personnes se réclamant d’extrême droite ou se définissant comme nationalistes. “Ce n’est pas de la nourriture. C’est de la m***”, “C’est comme ça que nous devons accueillir la tomate marocaine”, “Camions blancs avec plaques d’immatriculation marocaines. Tous dehors”, ont écrit des internautes sur X (ex-Twitter). “Bien fait ! Chaque camion marocain qui passe doit être arrêté et vidé !”, “Cette vidéo est la définition du plaisir audiovisuel”, se félicitent d’autres.
Certains d’entre eux, comme Arturo Villa, conseiller du parti Vox au Parlement européen, ont dénoncé une balance commerciale qui profiterait davantage, selon eux, au Maroc. Aussi, plusieurs laissent étendre — à tort — que les tomates marocaines importées ne respecteraient pas les normes sanitaires imposées par l’Union européenne (UE).
Eso es mentira. Bastaba con haberse molestado en mirar datos. Al menos menos en sector agrario, España importa más de lo que exporta de Marruecos. Sobre lo de que « el nacionalismo es una enfermedad » prefiero no rebajarme a descalificaciones personales.
Frutas
€70M de 🇪🇸 a 🇲🇦… https://t.co/WjkrapRbVQ— Arturo Villa 🇪🇸 (@ArturoVilla_) February 9, 2024
Selon le quotidien espagnol La Razón, les agriculteurs du pays voisin réclament des contrôles accrus aux frontières avec le Maroc pour garantir que les importations sont conformes aux réglementations internes de l’UE et aux montants tarifaires établis.
L’incident sur l’autoroute espagnole n’est pas un acte isolé. Il rappelle des scènes similaires ayant eu lieu ces dernières semaines, notamment à Montélimar, en France, où la colère des agriculteurs ne faiblit pas. Comme le rappelle Le Monde, des milliers de tomates marocaines ont été déversées depuis janvier “sur les parkings des supermarchés de l’Hexagone, accusées d’être surreprésentées dans les rayons à des tarifs très bas”. “La tomate marocaine a pris ses quartiers en France à des prix défiant toute concurrence”, estime-t-on dans un reportage de M6 consacré au sujet.
Ce type de scène à l’encontre des produits agricoles marocains est loin d’être une nouveauté. Les tomates made in Morocco sont, depuis les accords de libre échange avec l’UE, prises pour cible à chaque crise entre agriculteurs et gouvernements, particulièrement en Espagne. La différence aujourd’hui, c’est que les accusations de concurrence déloyale à l’encontre de la production marocaine sont émises à la fois en Espagne et en France.
Au Maroc, aucune réaction officielle suite à cet incident ne s’est fait entendre.