Smyet bak ?
Rahhal ben Larbi.
Smyet mok ?
Malika bent Tahar.
Nimirou d’la carte ?
Joker. Pas plus tard qu’hier, j’ai été contrôlé par le khalifa du caïd de Skhour Rhamna. J’ignore comment il a su que j’étais dans sa juridiction.
Parti à pied de Casablanca, vous remontez actuellement la vallée d’Oum Rbii pour essayer d’attirer l’attention sur la pénurie d’eau. Vous comptez remonter tous les fleuves du pays ?
Non, juste trois. J’ai pris la route côtière jusqu’à Azemmour, longeant l’Oum Rbii jusqu’à Oued Lakhdar, un de ses affluents. De là, j’essaierai de gagner Demnate pour remonter la Tassaout, et traverser le Haut Atlas pour atteindre le barrage Mansour Eddahbi près d’Ouarzazate. Puis je suivrai le cours du Draâ jusqu’à Agdz. De ce côté, on peut longer la vallée jusqu’à son embouchure, non loin de Tan-Tan.
Vous avez prévu de descendre seul le Draâ, rien que ça… Vous êtes sûr que vous allez y arriver ?
“J’ai prévu de louer un mulet ou un chameau pour porter tout mon matos, qui est actuellement sur une poussette”
Il existe encore des pistes caravanières que les touristes empruntent jusqu’à Foum Zguid. J’ai prévu de louer un mulet ou un chameau pour porter tout mon matos, qui est actuellement sur une poussette sportive. Elle me permet de courir sur des routes goudronnées, mais ne sera pas adaptée aux dunes et aux pistes.
Comment vous est venue l’idée de ce voyage pédestre de près de 1300 kilomètres ?
Je me suis focalisé sur la thématique de l’eau depuis un an en tant que journaliste indépendant, et je peux dire que nous frôlons la catastrophe, surtout dans certaines régions connaissant une forte pénurie d’eau. C’est une prise de conscience. J’y ai pensé car j’ai l’habitude de faire ce genre de voyages pour le plaisir.
La pluie est enfin revenue, et l’Oum Rbii que vous continuez de remonter est en crue. Prétendez-vous avoir une quelconque baraka ?
Aucunement. J’en ai même subi les conséquences sur l’oued El Faregh (Le desséché, ndlr) que j’ai traversé à gué, et qui porte mal son nom en cette période de l’année (rires). Plus en amont, le barrage d’Imfout était quasiment rempli, ce qui est une bonne nouvelle.
Et l’embouchure du fleuve ? Est-elle toujours aussi nauséabonde malgré les récentes averses ?
Franchement, je n’ai jamais vu une ville aussi sale qu’Azemmour. L’embouchure de l’Oum Rbii est magnifique, mais je n’ai pas de superlatif suffisamment fort pour décrire le degré de saleté et de manque d’hygiène de la ville et des abords du fleuve. Pareil pour Boulaouane.
Un soir sur les réseaux sociaux, vous avez posté cette question “Njiblk chi derrya ?” (Je vous amène une fille ?). Vous ne vous ennuyez pas, dites donc !
“Une vieille dame est venue me proposer les services d’une prostituée près du mausolée de Moulay Bouchaïb. Ça ne m’a pas surpris car je sais comment vont les choses aux alentours des sanctuaires du pays”
Une vieille dame est venue me proposer les services d’une prostituée près du mausolée de Moulay Bouchaïb. Ça ne m’a pas surpris car je sais comment vont les choses aux alentours des sanctuaires du pays.
Mais le contraste avec l’histoire du saint patron est saisissant. Ce soufi, un savant du 12e siècle, avait rencontré le premier calife almohade, Abdelmoumen, au lendemain de sa victoire contre les Almoravides à Marrakech.
En dehors des affaires de mœurs, la météo va-t-elle vous faire abandonner l’aventure ?
J’y réfléchis à chaque instant car c’est devenu tellement dur. J’ai des ampoules, et je me suis blessé au mollet gauche en tombant. Avant-hier, une tempête a balayé ma poussette alors que je dormais.
La couverture imperméable de ma tente s’est envolée, et j’ai dû la redresser sous la pluie. Toutes mes affaires ont été trempées et il a fallu s’arrêter le lendemain pour les faire sécher… Bref, à chaque jour son lot de misère. Mais je suis sûr qu’une fois terminé, je me rappellerai avec humour de ce voyage.
Vous vous trouvez en ce moment dans la région des Doukkala. Vous pouvez nous en dire plus ?
Le mode de vie campagnard a complètement changé par ici. Des cultures vivrières et des fermes traditionnelles existent encore dans les zones où les routes sont le plus abîmées. Là, on vit encore à l’ancienne. Mais aux abords des routes goudronnées et entretenues, on ne trouve plus que des fermes parcellées. Elles bénéficient de subventions et font des cultures gourmandes en eau. Le paysage change donc énormément.
La faute au Plan Maroc Vert (PMV) qui a lancé toutes les campagnes dans une compétition effrénée ?
En tout cas, je ne crois pas qu’on ait réfléchi à sauvegarder l’agriculture vivrière lorsqu’on a mis en place cette stratégie sectorielle. On a voulu augmenter les surfaces plantées, les cultures irriguées au goutte-à-goutte, et on a déterminé des objectifs chiffrés.
Maintenant, des changements socioéconomiques découlent de cette stratégie qui n’intégrait pas la préservation des ressources en eau, alors que le climat marocain est majoritairement aride ou semi-aride. Et le résultat, c’est une aggravation du stress hydrique. Il n’y a pas une région qui ne connaisse pas ce fléau.
Le promoteur de cette vision est aujourd’hui Chef du gouvernement. Une contradiction à relever ?
“Il n’y a pas eu de bilan officiel du Plan Maroc Vert, pas même officieusement”
Je ne pense pas, vu la manière avec laquelle la politique est faite chez nous. Il n’y a pas eu de bilan officiel du Plan Maroc Vert, pas même officieusement, de la part des observateurs.
Quels échanges pourriez-vous avoir avec un agriculteur de fruits exotiques, bénéficiant de subventions, mais qui vous offre quand même le gîte et le couvert un soir de pluie ?
Cela m’est déjà arrivé il y a longtemps, dans la région de Bouarfa (dans la province de Figuig, ndlr), avec un fermier qui cultivait des palmiers produisant des dattes Majhoul. Il ne m’a pas hébergé, mais nous avons discuté de la capacité du bassin qu’il avait fait construire.
Pour ce type d’exploitations, aucun contrôle n’est exercé sur le volume d’eau puisé et utilisé, même s’il existe un seuil à ne pas dépasser selon la superficie concernée. Mais les effectifs de la police de l’eau sont bien trop limités pour surveiller tout le territoire, et les contrôles sont très insuffisants, et de loin.
LE PV
D’habitude, Hicham Aït Almouh trace sa route à vélo. Cette fois-ci, le journaliste et écrivain a choisi de marcher en conduisant une poussette qu’il a baptisée “Tizi”, le col en amazigh. “L’heure est grave”, tonne-t-il, au sujet de la rareté de l’eau dans le plus beau pays du monde. En totale autonomie grâce à son équipement de camping, sa cuisine de fortune et sa trousse de premiers soins, le journaliste n’en est pas à ses premières pérégrinations. Dans un rôle autoproclamé d’ambassadeur de bonne volonté, il souhaite alerter sur la pénurie d’eau et l’importance de préserver nos ressources hydriques. En parcourant les deux versants de l’Atlas, il entend “sensibiliser sur la nécessité de gérer ce qu’on a comme réserves hydriques avec plus d’intelligence, moins de gabegie”.