À travers trois moments de la vie de sa mère, Abdellah s’engage dans un voyage le long des ruelles de sa mémoire, mais enchante également avec une véritable ode à l’histoire du Maroc. Le résultat ? Un roman saisissant et subtil, qui part à la découverte d’un Maroc alternatif.
Sur près d’un demi-siècle, on suit les pérégrinations de sa mère qui a vécu certains des plus grands épisodes de notre histoire contemporaine, de la fin de la colonisation française à la mort du roi Hassan II. En creux, se lit la modélisation d’une société, et d’une famille, celle où Abdellah grandit, son nid et son socle.
Dans chacune des trois parties, un évènement fort de la vie de Malika est décrit. Et, par touches, on découvre les traits d’une femme de son époque. Le lecteur docile, qui accepte de se laisser porter par des myriades de petits détails saura accéder au fond du roman : les secrets qui structurent la société du XXe siècle au Maroc, et tout ce qui n’est jamais dit clairement, le jeu des dissimulations, la bascule entre apparence et vérité. Et dans les jeux de miroir des personnages semble se jouer en filigrane l’histoire du pays.
«Vivre à ta lumière»
119 DH
Ou
Entre songe et réel
Ces trois épisodes semblent anecdotiques : c’est tout d’abord l’histoire de son premier mari envoyé par les Français combattre en Indochine. C’est ensuite son combat à elle pour empêcher sa fille Khadija de devenir une simple employée de maison. Enfin, à la veille du décès de Hassan II, elle manque de se faire assassiner par un jeune voleur homosexuel qui s’est introduit chez elle. Des moments qui laissent des souvenirs immuables et formateurs.
A travers eux, l’auteur se souvient des jours heureux, mais évoque aussi l’amertume, la déception, la rage face à un patriarcat indéfectible, les peurs et la solitude. Cendrars disait que “l’écriture n’est ni un mensonge, ni un songe, mais de la réalité et peut-être tout ce que nous pourrons jamais connaître de réel”, et c’est ce que ce roman laisse échapper au fil des pages : ce qu’il reste de la mère de l’auteur, ou ce qu’il veut bien nous laisser voir.
La voix d’Abdellah se confond dans celle de Malika : dans ce roman, c’est elle qui parle, nous fait revivre son histoire. Les pages les plus lumineuses du livre sont celles où se déploient pleinement sa voix à elle, ses aspirations, ses rêves, ses fiertés.
Mais si lumière il y a, ce n’est jamais sans une part d’ombre, que semble déjà s’avouer notre protagoniste à demi-mots : “J’étais très occupée, moi, très occupée toutes ces années. Il fallait les sauver tous, toute la famille (…) Il fallait choisir les priorités”, avoue Malika, qui n’arrive pas à accepter l’homosexualité de son fils, mais déploie un trésor d’énergie pour soutenir l’ensemble des siens.
Cette façon de raconter l’histoire est forte symboliquement, car ainsi, Abdellah forme un double avec sa mère, comme un miroir inversé, mais non déformant d’un passé révolu pour mieux accepter le présent.
Dans ce miroir, ni sa mère, ni Abdellah ne se perdent. Chacun conserve ses aspirations, ses désirs, ses névroses et sa sensibilité. Et chaque chapitre, jusqu’au dernier, dans une résilience cathartique, éclaire le précédent.
«Vivre à ta lumière»
119 DH
Ou
Vivre à ta lumière, de Abdellah Taïa, éditions du Seuil.
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