Le postulat de départ de cet essai cinglant est simple. Selon Jacques Généreux, membre des Économistes atterrés et de l’Association française d’économie politique, “aucune crise ne semble altérer la détermination de nos dirigeants à perpétuer le monde d’avant en pire, car l’entendement des élites est durablement embrouillé par une religion néolibérale insensée inculquée à plusieurs générations d’énarques, de journalistes, de professeurs, etc.”.
Jacques Généreux, qui enseigne l’économie à Sciences Po depuis près de quarante ans, a publié de nombreux best-sellers d’initiation à l’économie et des essais qui tentent de refonder l’économie et la politique sur les sciences de l’homme (La Déconnomie, La Dissociété, La Grande Régression).
Dans son dernier ouvrage, il répond à une question critique : comment expliquer l’hégémonie de la théorie néolibérale, inadaptée et dangereuse, qui n’a pas su prédire, entre autres, la crise de 2008 ?
«Quand la connerie économique prend le pouvoir»
238 DH
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Plus et plus, ça fait plus ?
Malgré un titre qui porterait à croire que l’auteur veut vulgariser l’usage des théories néolibérales dans le milieu académique et social, il n’en est rien. Jacques Généreux a une approche sociologique et anthropologique de l’économie et de ses théories.
Il demande : pourquoi les théories économiques résistent, ne changent pas, dans un monde qui, lui, se transforme, et attend un autre regard, plus intelligent, moins figé ? Pour l’auteur, le cerveau humain ne va pas spontanément vers la recherche de la vérité, et c’est peut-être pour cela que les élites conservent de fausses idées sur la manière dont l’économie régirait le monde. Les néolibéraux ont tendance à penser l’homme comme une machine, en ignorant la psychologie sociale.
Jacques Généreux tente de nuancer pour s’approcher un peu plus de ce qui lui semble juste : les émotions et les idées font partie de l’homme, l’homme conçoit les théories économiques, et donc l’économie ne peut pas être pensée de manière aussi rigide. Il faut y inclure l’intelligence des contradictions.
En mêlant psychologie sociale et psychologie cognitive, l’auteur met en avant les mécanismes de la bêtise capitaliste, et comment cette bêtise peut influencer la politique contemporaine, notamment en France. Il montre aussi que cette bêtise a inspiré la gauche et la droite en Europe depuis trente ans. Banaliser ces tendances est pour l’auteur une “connerie” de plus qui rend impossible toute volonté de changement.
Surtout, Jacques Généreux estime que la compétition est un virus qui ne contamine pas uniquement les aspects économiques de la société, mais façonne toutes les dimensions de notre monde : au travail, au sport, à l’école, dans le milieu de la recherche et dans les médias. Une maladie “qui stimule la bêtise et pervertit la démocratie en piège à cons”. C’est donc bien l’imaginaire du capitalisme qui gangrène notre siècle, bien plus que les outils qui servent sa cause. Et c’est ce même imaginaire capitaliste contre lequel il faut se battre individuellement.
Car, oui, l’antidote existe. C’est l’intelligence collective qui peut surgir de la délibération citoyenne. Sans installation de cette dernière au pouvoir, la meilleure des reconstructions sociales pourra toujours être anéantie par une prochaine génération d’abrutis.
«Quand la connerie économique prend le pouvoir»
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Quand la connerie économique prend le pouvoir, de Jacques Généreux, éditions du Seuil.
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