[Tribune] Entreprendre dans l’éducation : 5 défis que les start-ups EdTech doivent surmonter

Expert en technologie de l’éducation, Ismail Boukili a fondé la plateforme kiffelesmaths.com, qui compte plusieurs milliers d’utilisateurs. Aujourd’hui, il s’apprête à déployer une solution technologique, basée sur le modèle de la classe inversée, pour les écoles marocaines. Voici ses conseils aux start-upers Edtech qui veulent se lancer dans cette industrie.

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Rentrée scolaire 2020. Crédit: Yassine Toumi/TelQuel

• Se lancer !

Avant de prendre la décision d’y aller, vous devez être conscient du challenge auquel vous vous attaquez et déterminé à le relever. Il n’existe pas de manuel du start-upeur EdTech au Maroc. Autant dire que vous n’avancez pas dans un chemin balisé. Au contraire, vous partez de zéro avec peu, voire pas, de success-story de référence au Maroc.

Vous devrez donc fabriquer votre propre boussole, et vous lancer. Ce qui ne vous empêche évidemment pas de faire vos devoirs, et de vous renseigner sur les complexités juridiques auxquelles vous devrez faire face, sur la profondeur du marché, etc.

Ismaïl Boukili a lancé la plateforme Kiffelesmaths.com en 2013.

On vous rassure, en matière d’EdTech, la législation du pays ne semble pas être un obstacle. Et globalement, il existe une réelle fenêtre d’opportunité, avec les nouvelles ambitions affichées par le royaume dans le nouveau modèle de développement, qui souhaite initier une véritable renaissance éducative marocaine. Cette renaissance ne peut avoir lieu sans recours à la technologie, qui permet de déployer des solutions à vaste échelle.

Soyez-en donc convaincu : si vous avez le bon produit, vous êtes incontournable ! Quant au vivier, il est tout simplement énorme : on parle ici de 7,5 millions d’élèves dans les écoles marocaines, près d’un million d’étudiants dans l’enseignement supérieur, de milliers d’écoles et d’universités, etc. !

• S’attaquer à un secteur traditionnel

Vous devez garder en tête que le secteur de l’éducation, et peut-être à plus forte raison au Maroc, demeure conservateur. Tout porte donc à croire que plus vous serez disruptifs, plus vous devrez faire face à des résistances.

Certes, la pandémie a ouvert une brèche, et les habitudes de consommation — aussi bien chez les élèves, leurs parents, le corps enseignant, l’administration — ont changé, mais vous vous rendrez rapidement compte que les écoles et autres universités, qui sont vos partenaires, ont une sorte de défiance naturelle pour la technologie.

Il faut donc s’armer de patience, convaincre, mettre en avant des objectifs mesurables ainsi que des témoignages d’utilisateurs (professeurs et élèves, autres) qui illustrent vos propos, afin de démontrer l’impact de votre outil. La position de pionnier n’est jamais confortable, mais si vous y arrivez, vous deviendrez un acteur incontournable !

• Susciter l’intérêt des utilisateurs

En lançant votre solution, votre obsession doit être la suivante : comment faire en sorte que mes clients reviennent ? Pour s’assurer que cela soit le cas, il faut faire en sorte que votre produit réponde aux attentes des clients. Concrètement, vous devez proposer à vos utilisateurs différents niveaux : débutant, intermédiaire et avancé.

À titre d’exemple, si vous lancez un outil de e-learning, il est évident que vos clients doivent avoir la possibilité de personnaliser leur parcours d’apprentissage, et que vous soyez en mesure de les assister dans le cas où ils formuleraient une requête ou vous adresseraient une question.

Tout ceci est nécessaire, mais pas suffisant, car vos utilisateurs seront forcément exigeants et auront tendance à se lasser rapidement. C’est pourquoi il peut être pertinent d’avoir recours à la gamification, qui consiste à mettre en place des défis quotidiens, des jeux, des séquences d’entraînement, à l’image de ce que propose l’excellente application Duolingo. En procédant ainsi, vous boosterez le taux d’engagement de vos utilisateurs.

• Former le bon tandem

La complémentarité est souhaitable dans toute aventure entrepreneuriale : si vous êtes branché Ed, trouvez votre binôme expert en Tech, et vice versa. La bonne connaissance de l’écosystème éducatif et l’expertise en matière de technologie sont en effet les deux jambes grâce auxquelles votre entreprise pourra se mettre debout et faire du chemin.

La bonne connaissance de l’écosystème éducatif et l’expertise en matière de technologie sont en effet les deux jambes grâce auxquelles votre entreprise pourra se mettre debout et faire du chemin.

Dans ce “work couple”, le rôle de business développeur sera a priori endossé par l’expert métier, tandis que son partenaire développeur aura pour mission de concevoir une solution innovante, mais aussi et surtout de la faire évoluer.

Quant à ceux qui pensent à sous-traiter la technique à un free-lance ou prestataire externe, cela peut être une solution à court terme pour une MVP (minimum viable project), mais il ne faut pas perdre de vue que vous êtes censés garder le contrôle sur le processus de développement de votre solution si celle-ci est amenée à se développer rapidement (c’est tout le mal que l’on vous souhaite).

• Trouver le bon business model

Qui dit business dit modèle de revenu. Mais cet enjeu est particulièrement important pour les start-ups qui évoluent dans le secteur de l’EdTech. La raison ? Les solutions sont particulièrement difficiles et lentes à monétiser, si l’on en croit les expériences partagées par les différents acteurs de cette industrie. Or, il est assez évident que la façon dont vous penserez votre business model sera déterminante sur le taux d’acquisition, de conversion et enfin, de rétention.

Avec un modèle freemium, vous parviendrez vraisemblablement à attirer les utilisateurs. Les convertir en clients qui mettent la main à la poche est une autre paire de manches. Il ne faut pas hésiter à explorer de nouveaux territoires, et à inventer son propre business model, qui peut par exemple reposer en partie sur le sponsoring.

En d’autres termes, vous pouvez parfaitement proposer à une marque d’associer son image à votre solution par exemple. Quand on connaît l’appétence de plusieurs grandes entreprises marocaines pour le secteur de l’éducation, il est assez évident qu’il y a un coup à jouer…